20 avril 2014. Pour la première fois, Christian Varoujan
Artin se rend avec sa femme Brigitte en Turquie sur les traces de son grand-père paternel. Figure marseillaise emblématique de la communauté arménienne en France, l'administrateur de l'Association pour la Recherche et l'Archivage de la Mémoire Arménienne (Aram) veut rendre un hommage à
la mémoire des victimes du génocide arménien en organisant en 2015 dans la ville
de Diyarbakir (capitale des kurdes de Turquie) une exposition intitulée "99 portraits de l'exil, 99 photos de survivants du génocide des arméniens". Malgré sa peur d'"entendre craquer les os en foulant sa terre" (citation du réalisateur Henri Verneuil), Christian Varoujan
Artin se décide à "faire le grand saut dans le réel" (p.16). Suivi de Laure Marchand, Guillaume Perrier et Thomas Azuelos pour les besoins de cette bande-dessinée documentaire, le couple quitte les quartiers nord de Marseille à la découverte de la terre de leurs ancêtres. Répondant à son désir de "bâtir un édifice d'humanité" (p.54), Christian Varoujan
Artin réalise avec tristesse que "la diaspora avait psychologiquement effacé la Turquie" (p.65) et que des descendants d'arméniens rescapés du génocide eux aussi traumatisés par leur islamisation forcée par exemple, continuent de vivre en Turquie...
Une vision de l'identité arménienne 100 ans après le génocide
Tout comme son père Garbis, Christian Varoujan Artin a œuvré à la sauvegarde de la mémoire et de l'identité arménienne. L'histoire du génocide arménien, il en hérité par bribes de son grand-père Sahag. S'improvisant encyclopédiste en collectant et en traitant patiemment des centaines de documents, "Varou" ainsi que le surnommaient ses copains d'école, a au fil du temps reconstitué l'histoire du génocide arménien que son grand-père lui avait tu, certainement pour le préserver. Portant en lui cette identité arménienne marquée par le génocide et par le transfert forcé des populations arméniennes de l'Empire Ottoman, Christian Varoujan Artin fait partie de ces générations issues de l'immigration dont l'héritage familial a questionné et conditionné l'existence. Redoutant le "grand saut dans le réel" qu'il savait pourtant indispensable, "Varou" se décide en 2014, à se rendre en Turquie pour organiser son exposition photo en hommage aux victimes du génocide. Les centaines de documents et photographies qu'il avait soigneusement numérisés allaient enfin pouvoir être exposés au grand jour. Mais loin de se douter des rencontres et des découvertes qu'il allait faire durant son "pèlerinage", Christian Varoujan Artin réalise que son voyage en Turquie en valait la peine. Il avait enfin pu partir sur les traces de "son Fantôme arménien"...
Un pèlerinage en Turquie sur les traces du Fantôme arménien
Cette bande-dessinée documentaire est née à l'initiative de Laure Marchand et Guillaume Perrier qui ont publié La Turquie et le génocide arménien : sur les traces du génocide
aux éditions Actes Sud en 2013. Pour poursuivre leur travail d'enquête
sur la mémoire du génocide arménien, ils ont souhaité suivre Christian
Varoujan Artin dans sa quête identitaire. Et c'est Thomas Azuelos qui s'est chargé du scénario et de l'illustration de bande-dessinée. Le voyage qui s'est organisé autour de 4 étapes, a conduit Christian Varoujan Artin et sa femme à Dyrarbakir, dans la région du Dersim (dont la ville de Tunceli), dans celle de Boğazdere (village de Sivas) et enfin à Istanbul. Bouleversé par sa rencontre avec les Arméniens kurdes, turques ou alevis et par les récits des descendants des rescapés du génocide, le couple réalise avec philosophie, tout le sens de son voyage : "Nous ne devons pas restés figés sur la mémoire. Les vivants sont plus importants que des pierres ou des livres" (Brigitte Balian, p.99). Le Fantôme arménien qu'il poursuivait avait enfin un visage ou plutôt 1000 visages. Reste encore à co-construire l'avenir de ce peuple arménien tant meurtri et persécuté...
Le Fantôme arménien, une quête identitaire illustrée à la croisée de l’histoire et de la mémoire
Comme beaucoup de descendants d’immigrés, Christian Varoujan Artin porte profondément ancré en lui l’histoire de ses origines. La poursuite de son Fantôme arménien à travers son travail de mémoire lui apportera-t-il les réponses qu’il recherche ? Lui permettra-t-elle de réconcilier les souffrances de son peuple et sa volonté de « bâtir un édifice d’humanité » ? Ou au contraire, fustigera-t-elle une vérité trop difficile à accepter ? A travers ce voyage illustré de dessins sobres alternant avec des planches sombres et rougies par le récit terrible des exactions turques sur la population arménienne, Thomas Azuelos convie ses lecteurs à une plongée parfois éprouvante dans l’horreur du génocide. Les images d’archives et les collages qui ponctuent la bande-dessinée offrent de courts répits sur les témoignages accablants des informateurs mais au final, on retiendra que ce travail d’enquête sur l’histoire et la mémoire des arméniens mené par Laure Marchand et Guillaume Perrier, incarne un véritable message d’espoir. Publiée à l’occasion des 100 ans du génocide arménien (1915-2015), cette bande-dessinée sort de l’anonymat, le temps d’une lecture, des témoins de l’oubli. Une lecture éclairante qui interroge et incite à se documenter plus profondément sur la question...
Bande-annonce de la BD du Fantôme arménien
Postface en hommage à Christian Aroujan Artin
Christian Aroujan Artin est décédé le 26 mai 2015. Lire Le fantôme arménien, c’est à la fois rendre hommage à son travail et militer en faveur de la cause arménienne...
- Titre : Le fantôme arménien
- Auteurs : Laure Marchand, Guillaume Perrier
- Dessinateur : Thomas Azuelos
- Éditeur : Futuropolis
- Date de parution : Avril 2015
- Nombre de pages : 128 p.
- ISBN : 978-2-754811514
- Couverture :
- Crédits photographiques : Thomas Azuelos
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