Alors que la théorie de Nicolas Copernic (1473-1543) sur l'héliocentrisme bouleverse le géocentrisme défendu
par l'Eglise, Galilée dans son sillage, essaie de démontrer et défendre
sa théorie de la chute des corps. Contrairement à ce qu'Aristote et
Ptolémée ont établi, la terre ne serait pas au centre de l'univers !
Ainsi que l'exlique le Galilée de Brecht :
On avait toujours dit que les astres étaient fixés sur une voûte de cristal pour qu'ils ne puissent pas tomber. Maintenant nous avons pris courage et nous les laissons en suspens dans l'espace, sans soutien, et ils gagnent le large comme nos bateaux, sans soutien, au grand large. Et la terre roule joyeusement autour du soleil, et les poissonières, les marchands, les princes, les cardinaux et même le pape roulent avec elle.
Voilà
qui n'était pas pour rejouir les religieux et les politiques :
imaginez-vous, même les princes, les cardinaux et le pape roulent avec
la terre !
Reflet
fidèle des convictions de Brecht, cette pièce dénonce la censure dont
il est l'objet mais plus largement, c'est au nom de la science que
l'auteur s'insurge contre le monopole du pouvoir politique et économique
et des dogmes religieux. Comme un message universel s'élevant contre
cette hégémonie, Brecht, grande figure d'extrême gauche pour ses
successeurs, ébranle les convictions et nous invite à la réflexion. De
l'art de la démonstration, La vie de Galilée en est un bel
exemple : art dialectique et personnages de marque, Brecht nous livre
ici une pièce magistrale et résolument moderne que je recommande
vivement.
Extraits :
"- Tu vois ! Qu'est-ce que tu vois ? Tu ne vois rien du tout. Tu écarquilles les yeux, c'est tout. Ecarquiller n'est pas voir." p.11
"- Tout le monde aujourd'hui met de la science dans son vin." p.16
"La mathématique est pour ainsi dire un art peu lucratif. Ce n'est pas que notre République ne l'estime pas par dessus tout. Elle n'est pas aussi nécessaire que la philosophie ni aussi utile que la théologie, mais elle procure il est vrai, aux connaisseurs des plaisirs infinis." p.17
"Devant les astres, nous sommes comme des vermisseaux aux yeux rongés de pleurs qui ne voient que très peu. Les vieilles théories auxquelles on a cru pendant 1000 ans sont devenues totalement vétustes." p.23
"Penser est un des plus grands divertissements de l'espèce humaine." p.36
"Que nous sommes périssables, nous le savons. Que le ciel l'est aussi, voilà ce qu'ils nous disent à présent. On pensait, et c'est écrit, qu'il y a le soleil, la lune, les étoiles, et que nous vivons sur terre ; mais désormais, la terre aussi est un corps céleste pour cet homme là. Il n'y a que des corps célestes. Un jour viendra où ils diront : il n'y a pas non plus l'homme et la bête, l'homme lui-même est une bête, il n'y a que des bêtes !" p.64
"C'est mon masque qui me permet aujourd'hui quelques libertés. Dans un tel costume, vous pourriez m'entendre murmurer : si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer." p.74
"Qui ne connait la vérité est un imbécile. Mais qui, la connaissant, la nomme mensonge, celui-là est un criminel !" p.86
Auteur : Berthold Brecht
Titre : La vie de Galilée
Titre original : Lebens des Galilei
Traducteur : Eloi Recoin
Editions : Editions de l'Arche
Date de parution : 1990
Nombre de pages : 137 p.
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