Cet essai tente de répondre à la question : Où commence la perversion, et qui sont les pervers ? Pour bien comprendre cette analyse d'Elisabeth Roudinesco, il est utile de rappeler sa définition de la perversion : Forgé
à partir du latin "perversio", le substantif "perversion" apparaît
entre 1308 et 1444. Quant à l'adjectif "pervers", il est attesté en 1190
et dérive de "perversitas" et de "perversus", participe passé de
"pervertere" : retourner, renverser, inverser, mais aussi éroder,
dérégler, commettre des extravagances. Est donc pervers - il n'y a qu'un
adjectif pour plusieurs substantifs - celui qui est atteint de
"perversitas", c'est à dire de perversité (ou de perversion). p.11. La part obscure de nous-mêmes. Une histoire des pervers,
revient sur les cas qui ont marqué les civilisations occidentales
depuis le Moyen-Age jusqu'à nos jours et livre une étude inédite sur
l'histoire des pervers. En effet, si les déviances sexuelles ont maintes
fois été analysées (notamment par la psychanalyse), aucune étude
transversale n'a encore été faite sur les pervers. Elisabeth Roudinesco
tente donc de combler ce vide en soulevant la question suivante : la
perversion est-elle propre à la nature humaine ou découle t-elle de la
culture ? Par extension, l'historienne et psychanalyste questionne son
lecteur sur l'utilité de combattre cette "déviance" : les pervers,
classés au banc des marginaux par la société, ne permettent-ils pas
paradoxalement aux hommes de différencier le bien du mal, fondement même
de la civilisation ?
Cette ambitieuse étude, point de départ d'une conférence donnée en 2004 pour l'ouverture du symposium annuel de l'International Federation of Psychoanalytic Societies
(IFPS), a le mérite de faire le lien entre les théories et les
pratiques qui ont contribué à parfaire l'image du pervers : du Moyen-Age
marqué par l'affluence des mystiques et les méfaits de Gilles de Rais,
en passant par le libertinage de Sade, l'érotisation de l'acte sexuel du
Siècle des Lumières, les barbaries du nazisme et la société perverse de
nos jours, l'auteure établit un état des lieux très documenté sur la
question. D'après elle, la perversion est nécessaire à l'homme car elle
lui permet de faire la part entre ce qui est socialement acceptable et
ce qui ne l'est pas d'un pas d'un point de vue moral. Abordant son
ouvrage sous un angle historique, Elisabeth Roudinesco l'enrichit de
considérations sociologiques, politiques, religieuses et philosophiques,
qui confèrent à son analyse un caractère inédit. Ainsi, cette histoire
des pervers qui fourmille de références empruntées à la littérature,
l'histoire, la psychologie, la philosophie, l'histoire des sciences et
de la médecine, constitue une formidable composition où se croisent et
s'affrontent de nombreuses disciplines des sciences humaines et
sociales. L'auteure réussit d'ailleurs un véritable exploit en donnant
une unité à son analyse tant le sujet étudié est vaste. On y glane une
foultitude de références remarquables et on y (re)découvre des analyses
littéraires plus fouillées les unes que les autres. Bien que certains
arguments soient discutables, on ne peut que reconnaître l'énorme
travail qu'a exigé cette passionnante analyse. Même si cet essai m'a
quelquefois semblé verser dans le dilettantisme, son objet est pertinent
et j'y ai trouvé de nombreuses sources à exploiter (à lire, donc). De
mon point de vue, les références citées dans cet ouvrage doivent faire
partie de la culture littéraire de tous les lecteurs curieux du sujet...Les 7 péchés capitaux :
Les
fameux péchés capitaux, définis par le catholicisme, sont en réalité
des vices, des excès, et donc l'expression de cette démeusure
passionnelle et de cette jouissance du mal qui caractérisent la
perversion. Ils sont nommés "capitaux" parce que ce sont d'eux que
découlent les autres et, à chacun, est attribué une figure du diable :
avarice (Mammon), colère (Satan), envie (Léviathan), gourmandise
(Belzébuth), luxure (Asmodée), orgueuil (Lucifer), paresse (Belphégor). Note de bas de p.13
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Epigraphe :
Plus grande est la beauté, plus belle est la souillure. Georges Bataille
- Titre : La part obscure de nous-mêmes. Une histoire des pervers
- Auteur : Elisabeth Roudinesco
- Editeur : Livre de Poche
- Collection : Biblio Essais
- Date de parution : Octobre 2011, 2007 aux Editions Albin Michel
- Nombre de pages : 274 p.
- Couverture : Paolo Flamingo, Amants, 1585-1589. Kunsthistorisches Museum, Vienne. Bridgeman
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