Il est de ces histoires qui touchent plus que d'autres. En raison de leur message, en raison de leurs personnages, en raison de leur résonnance. C'est le cas de Nous ne serons jamais des héros. Mick est un trentenaire désabusé qui est sans emploi et sans petite amie. Il vivote sans ambition jusqu'au jour où son père lui propose un deal improbable. Commence alors pour le père et son fils une drôle d'odyssée pétrie de nostalgie et de souvenirs envolés... Entre désillusions, regrets et non-dits, Olivier Jouvray propose un récit émouvant construit sur une relation père/fils conflictuelle. Rien de vraiment original pourrait-on se dire. Et pourtant, cette bande-dessinée traite du sujet avec éloquence. Sous la forme d'un voyage initiatique, Nous ne serons jamais des héros aborde par une approche sensible les questionnements des générations post-soixante-huitardes et le conflit générationnel : "... et nous, on a ni guerre, ni révolution à faire, pas d'adversaires à combattre, pas de parents à affronter... (...) On sera jamais des héros, faut faire le deuil de ce vieux fantasme. On doit réussir notre passage sur terre d'une autre manière...." (p.65). Malgré un scénario assez classique, cette bande-dessinée délivre un message plus profond qu'elle n'en a l'air. Ce qu'elle montre en filigrane grâce à un coup de crayon propre (Frédérik Salsedo) et une belle mise en couleur (Greg Salsedo, frère du dessinateur), c'est qu'il appartient à chaque génération de mener son propre combat... Un voyage touchant par sa simplicité et sa portée et une collaboration fructueuse pour le trio F. Salsedo, Jouvray, G. Salsedo...
Olivier Jouvray confie dans son entretien donné à BDgest s'être inspiré de Moby Dick, de Sur la route de Jack Kerouac et de ses propres voyages pour l'écriture. C'est vrai. On y retrouve la quête initiatique souvent recherchée dans le voyage. Même si l'on a pas tous envie d'être des héros, il nous arrive à tous de se demander ce que nos parents auraient fait s'ils avaient eu le choix, s'ils avaient fait d'autres choix, quels étaient leurs rêves... Qu'ils soient ou non des héros, nos parents cachent tous en eux des secrets ou des souffrances difficiles de partager ou de faire porter à ses enfants. La relation conflictuelle père/fils est également finement étudiée par Jouvray. On pensera sans doute au célèbre Maus d'Art Spiegelman qui s'inscrit dans ce registre (à la différence que les conflits entre ce dernier et son père étaient réels). En cela, le scénariste tape juste par le choix de son sujet et sa façon de le traiter : même si l'histoire est parfois attendue, sa démarche reste cohérente et son scénario maîtrisé. Quant aux dessins, les paysages fouillés et travaillés côtoient des personnages tantôt caricaturaux, tantôt réalistes. Cela apporte une dimension originale à l'ouvrage et met en valeur le récit. Pour ma part, si ce n'étaient les belles planches de Frédérik Salsedo, Nous ne serons jamais des hommes n'aurait peut-être pas emporté mon enthousiasme. Quoiqu'il en soit, cette agréable bande-dessinée sans prétention éditée par Le Lombard dans sa Collection Signé saura trouver son public parmi tous les lecteurs que nous sommes. A découvrir...
Encore merci à Babelio (Opération Masse critique) et aux éditions Le Lombard (Club des Chroniqueurs Signé) pour leur confiance et leur beau travail.
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- Titre : Nous ne serons jamais des héros
- Dessins : Frédérik Salsedo
- Scénario : Olivier Jouvray
- Colorisation : Greg Salsedo
- Éditeur : Le Lombard
- Collection : Signé
- Date de parution : 2010
- Nombre de pages : 84 p.
- ISBN : 978-2-8036-2705-9
- Crédits photographiques : © Frédérik Salsedo, Greg Salsedo
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