Adaptation illustrée du recueil Paroles de poilus de Jean-Pierre Gueno, cette intégrale qui donne la voix aux soldats français de la Grande Guerre et à leurs proches, "est sans doute l'une des meilleures façons de ne jamais les oublier : de traduire en image, en visions d'aujourd'hui, l'inconcevable d'hier et de tous les temps..." (extrait de la préface). Comme autant de cris de détresse ou de coups de gueule lancés contre l'absurdité et l'injustice de la guerre, ces quelques témoignages (collectés suite à l'appel de Jean-Pierre Guéno sur Radio France), rappellent au souvenir de la guerre terrible. Loin des versions officielles servies par les autorités et relayées par les médias propagandistes de l'époque, les récits ici rapportés, partagent un certain regard sur la 1ère Guerre Mondiale. Et tandis que les hommes servaient de chair à canon pour "sauver la patrie", que les femmes sacrifiaient leur hommes et leurs fils sur les champs de bataille, que les enfants pleuraient l'absence de leur père et que les suprêmes instances jouaient au jeu de l'oie, un certain Louis Barthas se prenait à espérer en ces termes : "Ah ! Si les morts de cette guerre pouvaient sortir de leur tombe, comme ils briseraient ces monuments d'hypocrite pitié, car ceux qui les élèvent les ont sacrifié sans pitié."(p. 318)... Beau projet s'il en est, ce superbe recueil de témoignages illustrés de Poilus a séduit de talentueux dessinateurs qui se sont prêté à l'exercice de style avec brio : "L'imagination de chacun des dessinateurs présents dans cet ouvrage a été décuplée par le pouvoir d'émotion et de représentation qui caractérisait chacune des lettres proposées. Le fusain, la plume, le crayon ont su prendre le relais de la plume sergent major, du crayon ou du crayon à encre dont se servaient les Poilus." (extrait de la préface). Soyons donc attentifs à ces émouvantes leçons d'histoire qui ne sont pas aussi anecdotiques qu'on aurait pu le faire croire à l'époque...
© Christian de Metter, Les cibles vivantes (Maurice-Antoine Martin-Laval), p. 33
Tome 1 : Lettres et carnets du front, les saisons de l'âme
Nous ne le savons pas tous, les premiers mois de la guerre
furent des plus sanglants : 140000 morts en 5 jours dont 27000 pour
la seule journée du 22 août 1914. Les Poilus n'avaient pas encore de
casque les premiers mois des combats, juste leur pauvre képi inapte à les protéger des impacts de schrapnels... Cloîtrés dans leur tranchée entre deux tirs d'obus, les soldats pieds dans la boue, racontent dans
leur carnet de front le carnage des champs de bataille comme pour exorciser leur
angoisse de la solitude et de la mort. A leur famille et à leurs
proches, ils réservent des paroles d'amour et de réconfort comme
pour conjurer le mauvais sort et attirer la chance d'un retour en famille. Au gré des saisons de l'âme qui passent, le patriotisme laisse la place à l'amertume...
© Franck Biancarelli, La blessure 1 (Désiré Edmond Renault), p. 41Tome 2 : Papa s'en va en guerre
Au début de la guerre, on compte presque autant de Poilus que d'enfants sur les bancs de l'école. Enjeu d'avenir des troupes françaises, les "graines de Poilus" sont endoctrinés par une propagande active dont le but est de nourrir la haine des boches. Pour beaucoup d'entre eux, c'est le début de grandes vacances qui vont durer 4 ans. Et eux aussi ont beaucoup à dire : lettres d'amour, dessins, chroniques, rêves, les graines de Poilus ont aussi leur histoire à écrire. Parmi eux se trouvent Jean Zay, Françoise Dolto et la petite Rose, 11 ans, qui écrit en 1917 après avoir lu Le Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault revisité par la propagande : "Depuis 3 ans que cette terrible guerre est déclarée, nous avons eu le temps d'apprendre ce que c'était la misère. Il serait bon que cette misérable tuerie finisse bientôt et que tout le monde retrouve ses familles et un peu de gaieté, pas comme avant la guerre car presque tout le monde est en deuil." (p. 207, extrait de l'épilogue du tome 2).
© Juan Gimenez, La mort en son Royaume (René Jacob), p. 54
Tome 3 : Paroles de Verdun
Verdun est l'une des batailles emblématiques de la Grande Guerre mais ce n'est qu'une image d'Épinal destinée à alimenter le "symbole embaumé du sursaut devant une attaque allemande terrible qui pensait pouvoir saigner à blanc l'armée française ; une réussite stratégique et psychologique. La glorification, la sanctification de l'épopée finalement victorieuse, de la bravoure individuelle presque surnaturelle du combattant de première ligne, et de son sacrifice... (...). Il est temps de libérer Verdun, de défaire le mythe, de sortir le symbole sacré de son sanctuaire, de son caveau protocolaire et glacé (...) Il est temps de réhydrater une mémoire lyophilisée... Cette image d'Épinal qui venait parfois s'imprimer sur les buvards de notre enfance, il faut la confronter à sa source. Celle de l'encre des Poilus et de leurs proches, de ceux qui se sont battus à Verdun en 1916." (extrait de la préface, p. 214). Du scandale militaire avec la lettre du Colonel Driant à la mise à mort injustifiée du Lieutenand Herduin en passant par les textes poignants de Jean Giono, la bataille de Verdun recèle de bien sombres revers...
Exposition itinérante du centenaire de la Guerre de 14-18
Co-produite par l'ANR PACA en partenariat avec les Éditions du Soleil et
conçue en plusieurs modules comme un château de cartes, cette
exposition est visible dans les bibliothèques de la région jusqu'en
décembre 2018. Aussi, si vous en avez l'occasion, allez-y jeter un oeil. Pour vous donner un aperçu de cette exposition, rendez-vous sur ce billet du mois de mai 2015 où j'ai participé aux agréables Rencontres du 9e art à Aix.
© Regis Penet, La dernière permission (Gaston Biron), p. 78
Enfin, si vous souhaitez (vous) offrir ce livre qui aura toute sa place dans votre bibliothèque, vous pouvez toujours l'acheter sur Amazon via le lien suivant : Paroles de Poilus - Intégrale 1914-1918.
- Titre : Paroles de poilus 14-18, Intégrale
- Préface : Jean-Pierre gueno
- Auteurs : Collectif
- Éditeur : Soleil
- Date de parution : Octobre 2015
- Nombre de pages : 321 p.
- ISBN : 978-2-302-04537-8
- Crédits photographiques : © Pierre Alary ; Ange & Christian Paty ; David B. : Vincent Bailly ; Denis Bajram ; Ross Barron Storey ; Dominique Bertail ; Frédéric Bézian ; Franck Biancarelli ; François Boucq ; Farid Boudjellal : Jean-Philippe Bramanti ; Olivier Brazao ; Antoine Carrion ; Christophe Chabouté ; Stéphane Collignon ; Cromwell ; Thierry Demarez ; Christian De Metter ; Thibault de Rochebrune ; Adrien Floch ; Juan Giménez ; Loïc Godart ; Benjamin Goutte & Éric Bourgier ; Juanjo Guarnido ; Fabrice Hadjadj & Jean-François Cellier ; Stéphanie Hans & Gérard Parel ; Éric Hérenguel ; Philippe Jarbinet ; Olivier Jouvray & Jérôme Jouvray ; Teddy Christiansen ; Denis Lapière & Valérie Vernay ; Mathieu Lauffray ; Emmanuel Lepage ; Stéphanie Levallois ; Frédéric L'Homme ; Lidwine ; Thierry Martin ; Emmanuel Moynot ; Nicolas Nemiri ; Marc N'Guessan ; Joël Parnotte & Vincent Mallié ; Cyril Pedrosa ; Regis Penet ; George Pratt ; Pascal Rabaté ; Thierry Robin ; Christian Rossi ; Stéphane Servain ; Alec Séverin ; Florent Silloray ; Marie Terray ; Béatrice Tillier ; Alberto Varanda ; Éric Warnauts & Marc Renier
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