Il est difficile de se lancer dans la lecture d'une étude de l'oeuvre de Jules Verne sans craindre de voir s'envoler la magie qui a nimbé nos rêves de voyages dans le temps. De la riche bibliographie de Jules Verne qui a inspiré tant d'auteurs et stimulé tant d'imaginations, on comprendra pourtant qu'une "approche de géographe" puisse trouver toute sa place dans les études qui se consacrent à son oeuvre. Les Voyages extraordinaires et plus particulièrement Le superbe Orénoque (1898), font partie de ces héritages littéraires dont la dimension géographique est fondamentale. Mais qu'est-ce que le roman géographique ? Quel lien y a t-il entre géographie, récit et littérature ? En quoi cette nouvelle lecture permet-elle une meilleure appréhension de l'oeuvre de Jules Verne ? Quels procédés utilise Jules Verne pour passer "systématiquement d'une géographie du réel, scientifique à une géographie fortement influencée par l'imaginaire et inversement" (p.19) ? Telles sont les questions auxquelles Lionel Dupuy ambitionne de répondre dans cette version remaniée de sa thèse de doctorat.
Écrivain du merveilleux mais avant tout passionné par la géographie et accessoirement par les sciences, Jules Verne avait pour objectif d'intéresser ses lecteurs à cette discipline naissante qu'était la géographie à l'époque. Comme il le disait : " Peut-être serez-vous surpris d'apprendre que je ne tire aucune fierté particulière à avoir écrit sur l'automobile, le sous-marin, l'aéronef avant qu'ils ne deviennent en fait des réalités, elles étaient déjà à moitié découvertes. Je faisais simplement de la fiction à partir de ce qui est devenu faits ultérieurement, et mon objet n'était pas de prophétiser, mais d'apporter aux jeunes des connaissances géographiques en les enrobant d'une manière aussi intéressante que possible. 1902 " (p.32). Se peut-il que celui que l'on considère comme le père de la science-fiction n'ait eu d'autre intérêt que celui de créer le roman géographique (tout comme la création du roman historique a été attribué à Alexandre Dumas) ? D'après Lionel Dupuy, il semblerait en tous cas que cela ait beaucoup joué dans le processus d'écriture de Jules Verne : puisant ses inspirations dans les récits de Jacques Arago et d'Élisée Reclus, l'auteur aurait ouvert la voie au "merveilleux géographique" par le glissement d'une géographie scientifique du réel vers des univers imaginaires décalés dans l'espace (merveilleux exotique) et dans le temps (récit poético-mythique : "On utilise souvent l'expression de merveilleux géographique pour l'écrire l'univers des récits, contes et autres fables de l'Antiquité, au premier desquels figure l'Illiade et l'Odyssée d'Homère. p.53"). Ainsi que le démontre Lionel Dupuy, la prose vernienne ne se cantonne pas à de la littérature de jeunesse. Elle va au delà de toute considération purement littéraire puisqu'elle participe à la promotion de la géographie comme une science et qu'elle ouvre de nouvelles perspectives d'études au géographe : "L'imaginaire (re)donne au géographe l'opportunité d'interroger autrement l'espace géographique et littéraire. L'espace de la littérature permet de découvrir une autre langue, une autre façon de penser, d'écrire l'espace, de transmettre le savoir géographique et d'intéresser à ce dernier." p.129
Malgré certains à priori liés au possible désenchantement, cette étude n'est ni frustrante, ni ennuyeuse. Au contraire, elle apporte un éclairage nouveau sur l'imaginaire vernien sans pour autant le déparer du merveilleux auquel notre conscience collective l'a toujours associé. Bien sûr, on est un peu déçu d'apprendre que les fabuleuses machines mises en scène par Jules Verne n'ont été pour partie que les instruments qui ont servi à alimenter son imaginaire géographique mais peu importe, ça donne envie de se replonger profondémment dans Vingt-mille lieues sous les mers...
Écrivain du merveilleux mais avant tout passionné par la géographie et accessoirement par les sciences, Jules Verne avait pour objectif d'intéresser ses lecteurs à cette discipline naissante qu'était la géographie à l'époque. Comme il le disait : " Peut-être serez-vous surpris d'apprendre que je ne tire aucune fierté particulière à avoir écrit sur l'automobile, le sous-marin, l'aéronef avant qu'ils ne deviennent en fait des réalités, elles étaient déjà à moitié découvertes. Je faisais simplement de la fiction à partir de ce qui est devenu faits ultérieurement, et mon objet n'était pas de prophétiser, mais d'apporter aux jeunes des connaissances géographiques en les enrobant d'une manière aussi intéressante que possible. 1902 " (p.32). Se peut-il que celui que l'on considère comme le père de la science-fiction n'ait eu d'autre intérêt que celui de créer le roman géographique (tout comme la création du roman historique a été attribué à Alexandre Dumas) ? D'après Lionel Dupuy, il semblerait en tous cas que cela ait beaucoup joué dans le processus d'écriture de Jules Verne : puisant ses inspirations dans les récits de Jacques Arago et d'Élisée Reclus, l'auteur aurait ouvert la voie au "merveilleux géographique" par le glissement d'une géographie scientifique du réel vers des univers imaginaires décalés dans l'espace (merveilleux exotique) et dans le temps (récit poético-mythique : "On utilise souvent l'expression de merveilleux géographique pour l'écrire l'univers des récits, contes et autres fables de l'Antiquité, au premier desquels figure l'Illiade et l'Odyssée d'Homère. p.53"). Ainsi que le démontre Lionel Dupuy, la prose vernienne ne se cantonne pas à de la littérature de jeunesse. Elle va au delà de toute considération purement littéraire puisqu'elle participe à la promotion de la géographie comme une science et qu'elle ouvre de nouvelles perspectives d'études au géographe : "L'imaginaire (re)donne au géographe l'opportunité d'interroger autrement l'espace géographique et littéraire. L'espace de la littérature permet de découvrir une autre langue, une autre façon de penser, d'écrire l'espace, de transmettre le savoir géographique et d'intéresser à ce dernier." p.129
Malgré certains à priori liés au possible désenchantement, cette étude n'est ni frustrante, ni ennuyeuse. Au contraire, elle apporte un éclairage nouveau sur l'imaginaire vernien sans pour autant le déparer du merveilleux auquel notre conscience collective l'a toujours associé. Bien sûr, on est un peu déçu d'apprendre que les fabuleuses machines mises en scène par Jules Verne n'ont été pour partie que les instruments qui ont servi à alimenter son imaginaire géographique mais peu importe, ça donne envie de se replonger profondémment dans Vingt-mille lieues sous les mers...
Enfin, je tiens à remercier les éditions de La clef d'Argent pour m'avoir fait découvrir cette belle étude sur Jules Verne.
Épigraphe :
Pour vous procurer le livre via Amazon, rendez-vous sur le lien suivant : Jules Verne, la géographie et l'imaginaire : Aux sources d'un Voyage extraordinaire : Le Superbe Orénoque (1898)
Épigraphe :
- Et quel intérêt cela peut-il avoir ? ... demanda le sergent Martial à son neveu, lorsque celui-ci l'eut mis au courant de l'affaire. Qu'un fleuve s'appelle d'une façon ou d'une autre, c'est toujours de l'eau qui coule en suivant sa pente naturelle...
- Y songes-tu ? mon oncle, répondit Jean. S'il n'y avait pas eu de ces questions-là à quoi serviraient les géographes, et s'il n'y avait pas de géographes...
- Nous pourrions apprendre la géographie, répliqua le sergent Martial.
Jules Verne, Le Superbe Orénoque (1898)
- Titre : Jules Verne. La géographie et l'imaginaire
- Sous-titre : Aux sources d'un voyage extraordinaire : Le superbe Orenoque (1898)
- Auteur : Lionel Dupuy
- Préface : Bernard Duperrein
- Éditeur : La Clef d'Argent
- Collection : KhThOn
- Date de parution : Février 2013
- Nombre de pages : 141 p.
- Illustration de couverture : Photomontage de Philippe Gindre
- ISBN : 979-10-90662-11-7
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