Saturne est un monstre sanguinaire qui s’est donné pour mission d’exterminer la race humaine. Partout où il passe, tout n’est que mort et désolation : il éclate les cranes, croque les corps, fouille les entrailles, viole les femmes, dévore les nourrissons... Foncièrement nihiliste, cette courte fiction raconte l’histoire d'un homme devenu monstre. Rien n’a plus de sens pour Saturne que la beauté de la nature : ses couleurs, ses paysages, ses plantes, ses animaux... En revanche, l’humanité est pour lui complètement absurde, tout comme les Dieux qu’elle a créé (« Tant qu’il y aura des hommes, il y aura des Dieux » p.20). Saturne rêve d’un monde idéal sans hommes, ni Dieux car il ne craint pas la solitude. Mais qui est-il ? Pourquoi fait-il cela ? Ce monstre qui n’est pas sans évoquer le Dieu romain infanticide, sera t-il le Messie qui sauvera la terre ?
Particulièrement sombre, ce roman laisse une impression étrange : le style poétique aux accents lyriques tranche violemment avec les descriptions brutales des tueries de Saturne. Il faut avouer qu’il est difficile de savoir où Christophe Lartas veut mener son lecteur si l’on ne prête pas attention à sa dédicace faite à Lovecraft : « A Howard Phillips Lovecraft » p.5. Si l’on ne trouve aucune réponse aux questions qui ne manquent de se poser tout au long de cette lecture, on comprend soudainement la singulière cruauté de Saturne au regard de l’oeuvre de Lovecraft. En effet, le père du Mythe de Chtulhu était obsédé par l’insignifiance de l'homme dans l’immensité du cosmos. De la même façon que Lovecraft, Saturne constate que l’homme se prend pour le centre de l’univers alors qu’il n’est qu’un être ridicule. Incapable de comprendre ce qui le dépasse, l’homme a toujours eu recours aux Dieux pour expliquer l'insondable. Le monstre de Christophe Lartas est en quête d’une vérité qui ne peut éclater qu’à l’extinction de l’humanité. Ce récit pourrait au premier abord, passer pour un espèce de délire sans queue ni tête. Pourtant, il est ici donné au lecteur de mieux comprendre l’influence littéraire héritée de Lovecraft. S’il est vrai que certaines scènes et certains dialogues sont d’une violence inouie, Saturne est un brillant hommage rendu à la pensée lovecraftienne. Pour cela mais aussi pour la plume de Christophe Lartas (qui peut évidemment parfois choquer), je recommanderais la lecture de ce petit opuscule au format orginal et très joliment édité par La Clef d’Argent !
Citations :Manger le coeur du poète fait ses délices : c’est là qu’était le vide. Pour cette fois, il n’absorbera pas la cervelle : il appréhende les miasmes de l’esprit qu’empoisonnent les mots. p.12
- Titre : Saturne
- Auteur : Christophe Lartas
- Editions : La Clef d’Argent
- Collection : NoKhThys
- Date de parution : Décembre 2007
- Nombre de pages : 78 p.
- Couverture : Illustration de Fernando Goncalvès-Félix
- ISBN : 978-2-908254-57-0
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