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Cinq dans tes yeux - Hadrien Bels

"Cinq dans tes yeux", c'est cette expression maghrébine que l'on dit pour conjurer le mauvais œil. Mais c'est aussi l'histoire de cette bande de cinq potes du quartier du Panier à Marseille. A l'époque, au début des années 1990, ils squattaient place des Moulins : ils aimaient y boire quelques canettes et y fumer des pétards. Puis le destin les a séparés. Depuis, le quartier a bien changé. Tout comme la ville. Avec l'arrivée des "venants" autrement dit les bobos, Marseille s'est gentrifiée... Cette Marseille populaire tant décriée à l'époque est désormais "en place". Mais il lui manque ce quelque chose qui faisait d'elle cette ville tant chérie et honnie à la fois... Le temps a passé et c'est avec nostalgie que Stress, le blanc de la bande, entreprend d'écrire un scénario qui raconterait leur histoire... 

A suivre les embrouilles de ces 5 "cailleras" dans les rues de la Marseille des années 90, je me suis souvenu de mes propres virées entre copines à l'époque : tout comme Hadrien Bels qui raconte la Marseille de sa jeunesse, je me suis revue à la fête du Soleil du Panier avec les enfants, les familles, les stands de grillades, la musique, l'alcool et les embrouilles de fin de soirée... Et tout comme lui, il me plait de me rappeler ce temps où Marseille était autre, avec ses codes, son langage fleuri, imagé, drôle... ses autochtones, fatigants parfois mais attachants souvent. Avec le temps, la ville change de visage comme toutes les villes. Mais quoiqu'on en dise, Marseille sera toujours Marseille...  Voilà donc une authentique visite guidée de la Marseille des années 90 que je vous invite à découvrir...

 

Pour aller plus loin...

Pour en savoir plus sur la démarche de l'auteur, n'hésitez pas à lire l'entretien donné à Babelio.


Détails bibliographiques

 

Titre : Cinq dans tes yeux
Auteur : Hadrien Bels
Éditeur : L'Iconoclaste
Date de parution : Août 2020
Nombre de pages : 295 p.
Photographie : © Patrice Terraz
Couverture : Quintin Leeds
ISBN : 978-2-37880-155-7



 

J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi - Yoan Smadja

"C'est en avril 1994 que j'ai demandé à Dieu de divorcer" (p.9)
Tels sont les quelques mots sur lesquels s'ouvre ce premier roman de Yoan Smadja. 20 ans ont en effet passé depuis que Sacha, ex-reporter de guerre française, a cessé de croire en Dieu. Désormais devenue critique gastronomique, elle se remémore ce sinistre printemps de 1994 lors duquel elle a assisté aux événements insensés qui se sont déroulés au Rwanda. Elle y rencontrait Daniel, ce médecin Tutsi qui gravait des fleurs dans l'écorce des arbres et y découvrait aussi l'histoire de Rose, sa femme muette qui rêvait de poésie...

Tout comme "Petit pays" de Gaël Faye qui évoque aussi le conflit rwandais, ce 1er roman de Yoan Smadja, bien que fictif, s'inspire de faits réels. De cette tragédie rwandaise, l'auteur a su, grâce à un minutieux travail de documentation et à son talent, donner vie à un récit à la fois onirique et réaliste : un rêve pour le souvenir du riz au lait vanillé de Rose et un véritable enfer pour ce qu'a vraiment été le génocide rwandais. Et ce n'est que lorsqu'on a refermé la dernière page du livre que l'on comprend ce que peut symboliser la résilience et tout l'espoir qu'elle porte en elle... Un premier roman réussi dont le titre "J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi" prend tout son sens à la lecture. A découvrir...

 

A propos du conflit rwandais entre Hutu et Tutsi (extrait de p. 99 à p. 101)

  

La colonisation allemande du Rwanda avait conduit le souverain Tutsi à asseoir son autorité sur les rois hutu. Le traité de Versailles mit fin en 1919 à la tutelle germanique sur la région ; les Belges, qui héritèrent du contrôle de la zone, firent du roi tutsi un souverain affidé. Tâche lui fut confiée de collecter l'impôt. Les colons s'appuyèrent sur son entourage pour administrer le pays. Les Belges et l’église catholique, à l'influence si irrésistible et centrale, plaquèrent sur les relations qu'entràetenaient les autochtones une grille de lecture étrangère racialisée. Européens et missionnaires entreprirent de classifier, de théoriser les écarts sociaux existants, soulignant les caractéristiques physiques et comportementales des habitants. Les Tutsi étaient grands, dotés d'un nez aquilin, doués d'une intelligence particulière ; les Hutu étaient trapus, forts, rugueux. La création de cartes d'identité mentionnant l'ethnie, déduite d'après la quantité de têtes de bétail possédées et l'apparence physique, acheva de figer la classification.

En 1959, le directeur d'un journal catholique créa un parti visant à restituer le pays à ses propriétaires, les Bahutu. Les Tutsi étaient assimilés à des colons. Leur joug est décrit comme plus cruel que celui des européens. Il fallait en débarrasser le pays. Cette même année, vingt mille d'entre eux furent assassinés. Trois cent mille autres quittèrent le Rwanda. Il s'agissait des premiers massacres répertoriés. On ne trouvait trace d'un antagonisme ayant conduit à un conflit d'ampleur significative entre Hutu et Tutsi avant cette période. Dès l'indépendance du pays, acquise en 1962, le régime se mit à institutionnaliser ces différences, accrut la marginalisation des Tutsi, parvint à ancrer dans les esprits l'inclinaison supposément dominatrice inhérente à cette minorité dont il convenait de craindre les agissements. La peur est un mécanisme efficace pour installer l'idée d'un "eux contre nous" obsessionnel.

(...) Les décennies suivantes avaient été émaillées de tentatives d'incursion tutsi depuis les pays dans lesquels ils s'étaient réfugiés, généralement repoussées et régulièrement suivies de massacres. Les forces tutsi attaquaient depuis l'extérieur ; en représailles, le pouvoir assassinait les Tutsi de l'intérieur. L'exil s'intensifia, les auteurs de tueries ne furent pas poursuivis. En 1973, Juvénal Habyarimana, chef et ministre de l'Armée, de la Garde nationale et de la police, prit le pouvoir. Sous couvert d'établir une forme de concorde rwandaise, il imposa des quotas. Le nombre de Tutsi qui avaient accès aux études et à l'emploi était désormais limité.

Les réfugiés Tutsi ne furent pas autorisés à regagner le Rwanda. Stationnés dans les pays limitrophes, ils constituèrent une force armée, le FPR, pour "Front patriotique rwandais", qui lança une offensive majeure au moins d'octobre 1990. Une simulation d'attaque sur Kigali servit de prétexte au pouvoir en place pour procéder à une vague d'arrestations suivies de violences. L'offensive du FPR fut repoussée, avec l'aide de la France, soucieuse de maintenir son influence dans la région, celle-ci étant étroitement liée au régime en place. Cédant à la pression internationale, Juvénal Habyarimana accepta de constituer un gouvernement expurgé des éléments les plus extrémistes.

Des négociations de réconciliation firent espérer que l'engrenage raciste allait s'enrayer ; il n'en fut rien. La propagande continua de prospérer. Le président feignit d'entamer un processus de démocratisation, mais celle-ci fut limitée aux différentes factions hutu. certaines d'entre elles, d'ailleurs, semblaient échapper à son contrôle et entreprirent de saper la mise en œuvre des résolutions issues des accords d'Arusha, censés sceller une certaine forme de réconciliation.

 

Détails bibliographiques

 

Titre : J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi
Auteur : Yoan Smadja
Éditeur : Pocket
Date de parution : Fevrier 2020 (Pocket)
Nombre de pages : 269 p.
Illustration : © Aline Bureau
ISBN : 978-2-266-29989-3

 

 

Marseille 2040 - Philippe Pujol

Marseille en l'an 2040. Antoine, 23 ans, exerce en tant que régulateur de santé au sein de l'ARS PACA. Un matin, il apprend par Gérard, ancien hacker "has been" avec qui il travaille, que tous deux seront prochainement remplacés par des robots. Afin de prévenir une nouvelle crise sanitaire comme celle liée au F.LA.S.H.* de 2028, la région PACA a en effet décidé sous couvert de la sacro-sainte Transparence et dans le respect de la démocratie sanitaire, que le système de santé nécessitait de toute urgence, une profonde restructuration. A l'heure où chaque individu est constamment connecté à son AV (Assistant Virtuel) et que chaque prise de décision est suggérée par ses calculs algorithmiques, se dessine l'ombre inquiétante d'un transhumanisme presque inexorable... 

Et si c'était cela qui nous attendait pour les prochaines décennies ? Avec la rigueur journalistique qui caractérise ses travaux, Philippe Pujol a cette fois-ci choisi d'écrire une enquête d'anticipation pour sonder les rouages enrayés du système de santé français et mettre l'accent sur la nécessité pour les autorités de santé publique françaises, de conduire une réflexion prospective sur les 30 prochaines années. Ce format d'écriture offrant une plus grande liberté d'expression que la simple restitution de travaux de propective, Philippe Pujol nous offre là une enquête minutieusement documentée aux accents dystopiques et qui n'est pas sans évoquer le célèbre 1984 d'Orwell. A ceci près que son Marseille 2040 publié en février 2018 est très proche de nos réalités... et qu'il précède de façon troublante à la crise sanitaire du COVID 2019 ! En fin observateur de son époque, le journaliste a su manier habilement le registre de l'anticipation pour attirer l'attention de tous sur ces problématiques de santé publique. Merci donc à lui pour ce gros travail d'enquête des plus intéressants !

*Acronyme créé par un médecin marseillais pour désigner de façon ironique la "Faille LAtérale du Système Hospitalier".


Détails bibliographiques

Titre : Marseille 2040, le jour où notre système de santé craquera
Auteur : Philippe Pujol
Éditeur : Flammarion
Date de parution : Février 2018
Nombre de pages : 221 p.
Couverture : © MOA Architecture
ISBN : 978-2-0814-2229-2

 

 

Alta Rocca - Philippe Pujol

La "vendetta", ce code d'honneur fondé sur le tribut du sang qui déchire les sociétés claniques depuis des temps immémoriaux, fait partie intégrante de la tradition corse. Pour son premier roman, Philippe Pujol a pris pour décor la région montagneuse corse de l'Alta Rocca : en ce milieu des années 1800, la célèbre lignée des mangeurs d'ours (Manghjà Orso) est mise à mal par les guerres intestines qui déciment les clans rivaux et par la terreur semée par des bandits sans foi, ni loi. Alors que le Vatican essaie d'étendre son influence sur l'île de beauté et que les Français s'amusent de ses guerres de clans, Orso et Giovanni, les 2 derniers descendants mâles du clan aux 7 mères et aux 7 sœurs, restent les seuls à pouvoir changer le cours de l'histoire... Mais sauront-ils enfreindre la loi du silence (omerta) et mettre fin au cycle infernal des vendettas ? 

Navigant entre l'histoire et la légende, cette tragédie corse aux accents de western à la "Corsica Nostra", s'inspire largement des récits rapportés par la grand-mère de l'auteur. De cette transmission orale si chère à la culture corse, Philippe Pujol a quelque part transgressé cette tradition orale par l'écriture de ce roman qui réconcilie tradition et modernité dans un savant mélange de rêve et de réalité... Bref, un exercice de style risqué auquel le lauréat du Prix d'Albert Londres 2014 s'est prêté avec cette appréciable humilité que j'ai eu l'impression de retrouver à travers ces quelques pensées d'Orso : "Les enfants ne se parlaient plus, ne se regardaient plus. Pas plus avec des adultes. Ils ne regardaient plus passer les nuages, n'observaient plus le lit d'une rivière, n'écoutaient plus le cri des animaux. Ils rechignaient à aider, s'ennuyaient même entre eux si aucun livre n'avait été apporté. Les montagnes étaient vidées de leurs gosses, ces garnements qui jadis apprenaient en arpentant les quelques saisons de leur enfance tout ce qui leur servirait pour le restant de leur vie. On déléguait ça aux livres, on en confisquait la transmission aux parents. On figeait les histoires sur du papier blanc et l'Histoire ne serait plus contestable. Ou plutôt, elle ne serait plus adaptable. La tyrannie de l'Histoire, pour Orso, s'installait par les livres. La contestation passerait par ces petites évolutions qu'espéraient réussir les bandites. Faire de sa langue l'outil du peuple pour infléchir un destin entravé dans des coutumes désuètes juste en le faisant passer sous la terrible et tranchante lame du progrès. Orso aimait à raconter le livre qu'il apprenait par cœur. L'oralité a cela de précis par rapport à l'écrit qu'elle s'adapte plus facilement à l'auditoire, pensait-il. Il décida de dire son livre à Salvo. L'enfant, en un instant, lui démontra qu'il s'était trompé." (p. 245). Pari réussi donc pour ce roman corse que je vous invite à découvrir...


Détails bibliographiques

Titre : Alta Rocca
Auteur : Philippe Pujol
Éditeur : Seuil
Date de parution : Juin 2020
Nombre de pages : 281 p.
Couverture : Illustration d'Erwann Denis © CSA Images via Getty Images
ISBN : 978-2-02-137830-6

 

 

Le Gang des Rêves - Luca Di Fulvio

"Diamond Dogs", voilà le drôle de nom que Christmas a choisi pour son "Gang des rêves". Comme la plupart des gosses élevés dans la misère du quartier de Low East End à Manhattan dans la fin des années 1920, Christmas doit se battre pour survivre et tenir la promesse faite à Cetta, sa mère, de devenir un honnête citoyen américain. Pourtant, contrairement à la plupart de ses camarades d'infortune pour qui devenir quelqu'un passe par le pouvoir et l'argent, l'"American Dream" de Christmas trouvait sa genèse dans le sens : "Voilà ce qu'il avait cherché. Donner un sens à la vie, la rendre moins arbitraire. C'était ça la perfection, non pas le succès, la réussite, le couronnement d'un rêve ou d'une ambition : c'était le sens. Ainsi, dans son histoire, même les méchants trouvaient un sens à leur vie, en tous cas ils lui en donnaient un. Et chaque vie était reliée à celle des autres, comme des fils qui se croisaient et de recroisaient et finissaient par dessiner une toile d'araignée - un dessin bien réel, sans rien d'abstrait. Il n'y avait ni pathos, ni ironie, que du sentiment." (p. 922).

Tout aussi puissant et percutant que "Les prisonniers de la liberté", ce "Gang des rêves" très plébiscité par la critique et qui n'est pas sans évoquer le cultissime "Once Upon a Time in America" de Sergio Leone, aborde avec beaucoup d'humanisme les thèmes de l'exil, de la misère et de la survie... A la façon d'un rêve à la fois accessible et intangible qui porte le symbole de l'espoir... Et si pour ma part, j'ai préféré "Les prisonniers de la liberté", voici encore un roman de Luca Di Fulvio à mettre entre toutes les mains...


Détails bibliographiques

Titre : Le Gang des Rêves
Titre original : La Gang dei Sogni
Auteur : Luca Di Fulvio
Traduction de l'italien : Elsa Damien
Éditeur : Pocket
Date de parution : Juin 2019 pour la version française parue chez Pocket
Nombre de pages : 943 p.
Couverture : © Berth Hardy / Picture Post / Getty Images
ISBN : 978-2-266-27243-8


Les prisonniers de la liberté - Luca Di Fulvio

"A tous ceux qui ne détournent pas les yeux"

Les Prisonniers de la liberté de Luca Di Fulvio est un hymne criant à la Liberté. La liberté de choisir, de lutter, d'aimer et de vivre... même lorsqu'il n'y a plus que désespoir... Que l'on soit homme ou femme, jeune ou vieux, tout ou rien, cette bouleversante fresque humaine jouée sur fond d'histoires migratoires dans le début des années 1910, donne à voir ce qui a de plus abject mais aussi de plus beau que cache notre humanité. Les incroyables destins croisés de Raquel, Rocco et Rosetta fraîchement débarqués à Buenos Aires en quête d'une vie meilleure, offrent une magistrale leçon d'humilité sur notre condition humaine. Peu importe qu'il s'agisse d'une fiction, il y a dans ce roman une profonde part de vérité sur la folie des hommes. Ce genre de folie qui nous porte à croire que dans ce monde de tous les possibles où sans cesse se côtoient le pire et le meilleur, il y a toujours de l'espoir... En tous cas, moi j'y ai cru et c'est ce qui m'a rendu cette lecture si vibrante. Assurément, un 5 étoiles bien mérité pour ce roman qui m'a littéralement transportée dans le temps, dans l'espace et dans le cœur des hommes...


Pour aller plus loin...

Dans sa note en fin d'ouvrage, Luca Di Fulvio indique que son roman est une œuvre de fiction à l'exception de la Sociedad Israelita de Soccorros Mutuos Varsovia qui a réellement existé. Cette organisation criminelle qui a sévi de 1860 à 1939 (appelée Zwi Migdal) a alimenté la traite des blanches déjà rapportée par Albert Londres dans son reportage "Le chemin de Buenos Aires".

Extrait de la note de Luca Di Fulvio

"Aujourd'hui, il reste cette tâche indélébile pour tous ceux qui savaient, mais rien n'a changé. Nous ne pouvons pas à notre tour détourner les yeux de ces esclaves venues d'Europe de l'Est ou d'Afrique, exposées comme des marchandises sur les trottoirs.
 
En tant qu'homme, j'ai honte. J'essaie d'imaginer l'agonie de ces jeunes filles de Buenos Aires qui devaient se donner à 350 étrangers par semaine. Mais je crois que seule une femme peut l'imaginer.
 
L'histoire largement fictive de ce livre porte l'espoir que, d'une même voix, hommes et femmes dénoncent ensemble l'injustice."
 

Détails bibliographiques

Titre : Les prisonniers de la liberté
Titre original : La figlia della liberta
Auteur : Luca Di Fulvio
Traduction de l'italien : Elsa Damien
Éditeur : Pocket
Date de parution : Mai 2021
Nombre de pages : 779 p.
Couverture : © Suteischi / iStock
ISBN : 978-2-266-29120-0

 

1984 - Sybille Titeux De La Croix & Amazing Ameziane

"Big Brother" est bien connu de nous tous comme étant l'incarnation ultime du totalitarisme. De cette fameuse assertion "Big Brother is wacthing you", initiée par le célèbre roman d'anticipation 1984 de George Orwell, n'avons-nous pas en effet cultivé une naturelle défiance envers toute forme d'autoritarisme ? Comment se fait-il alors que certains puissent reconnaître que 2 + 2 = 5 ? Tels sont bien les mécanismes de manipulation des systèmes totalitaires dénoncés par l'écrivain anglais...

Parmi les dernières adaptations graphiques du roman publiées ces derniers temps (1984 a en effet basculé dans le domaine public cette année), cette proposition de Sybille Titeux De La Croix superbement illustrée par Amazing Ameziane, a particulièrement retenu mon attention grâce notamment à la 1ère de couverture. Qui mieux que Staline pouvait en effet incarner aussi bien "Big Brother" (je pense évidemment à 2 autres personnages historiques que je ne nommerai pas mais avouons que celui que l'on surnommait aussi l'homme de fer remplit bien son office) ? Les graphismes ensuite et le découpage des vignettes se prêtent assez bien à cette narration parfois quasi militaire et illustrée par de glaçantes affiches de propagande aux slogans effrayants. Alors, si vous avez aimé le 1984 d'Orwell, n'hésitez pas à découvrir cette adaptation illustrée : je trouve qu'elle rend un hommage fidèle au roman...
© Amazing Ameziane

Si je n'ai pas encore lu les adaptations de Fido Nesti, Xavier Coste ou encore celle de Jean-Christophe Derrien, mais je ne manquerai pas de m'y pencher pour comparer les différentes adaptations...

 Détails bibliographiques

  • Titre : 1984
  • Auteur : Sibylle Titeux De La Croix
  • Illustrateur : Amazing Ameziane
  • Éditeur : Éditions du Rocher
  • Date de parution : Janvier 2020
  • Nombre de pages : 232 p.
  • ISBN : 978-2-268-10469-0
  • Photo de couverture : © Amazing Ameziane

Décamper - Collectif

Sangatte, Calais, Lampedusa, tous ces noms nous sont plus ou moins familiers. Mais à quoi renvoient-ils exactement ? Espaces de "non-lieux", ces camps de migrants, autrement appelés "jungles" sont autant de no man's land où en dépit de tous soupçons, la subsistance y est ultra-organisée : en effet, à moins d'y avoir travaillé ou de s'y être rendu, peu d'entre nous sommes capables d'imaginer la façon dont ces espaces de (sur)vie ont été appropriés. Une actualité en chassant une autre, il est vrai que nous entendons de nos jours (2019) moins parler de ce que les politiciens et médias ont arbitrairement désigné la "crise des migrants". Pour autant, les migrants continuent d'affluer en Europe dans l'espoir de trouver un avenir meilleur. En attendant, ils n'ont d'autre choix que d'investir au mieux ces camps (de nos jours démantelés) où bon gré, mal gré, une véritable société avec ses codes et ses règles, s'est créée dans la société. Ainsi, cet ouvrage protéiforme qui s'intéresse aux problématiques des populations migrantes installées dans les camps s'inscrit dans une démarche à la fois scientifique, technique et artistique : chaque collaborateur à l'ouvrage s'est appliqué par le biais de son domaine de spécialisation à construire un espace de réflexion commun dans le but d'encourager l'émergence de nouveaux axes de discussion. Et justement parce que la question des migrants reste profondément tabou, ce travail conjoint des auteurs donne à voir des facettes méconnues de la vie en "jungle". Grâce à une approche pluridisciplinaire, tous les collaborateurs de l'ouvrage (écrivains, journalistes, dessinateurs, poètes, bénévoles, photographes, musiciens et migrants) ont traité le sujet en questionnant le bien-fondé des politiques publiques et en remettant en cause cette Europe essoufflée et incapable d'assumer dignement ses responsabilités. Le résultat ? Un beau livre qui apporte un certain regard sur ce qu'est la vie en camp et qui dépeint sans pathos aucun le quotidien méconnu des migrants. Un bel hommage également rendu au travail de toutes celles et ceux qui chacun à leur façon, accompagnent les populations migrantes et contribuent à leur redonner un peu de dignité... Aussi, parce que les migrants n'ont pas disparu malgré le démantèlement des camps, lire Décamper aujourd'hui en 2019 est un acte militant : c'est quelque part lutter et résister contre l'indifférence ou le mépris... A bon entendeur...

Pour découvrir cette lecture malheureusement restée confidentielle, vous pouvez vous procurer l'ouvrage sur Amazon via le lien suivant : Décamper

Détails bibliographiques

  • Titre : Décamper
  • Sous-titre : De Lampedusa à Calais, un livre de textes et d'images et un disque pour parler d'une terre sans accueil
  • Auteur : Collectif
  • Directeur de publication : Samuel Lequette et Delphine le Vergos
  • Éditeur : La Découverte
  • Date de parution : Novembre 2016
  • Nombre de pages : 318 p.
  • ISBN : 978-2-7071-9251-6
  • Photo de couverture : © Jordi Oliver