
Primo Levi écrit avec simplicité, lucidité, sincérité et philosophie. Seules la souffrance et l’épreuve peuvent faire parler un homme comme il le fait. On a envie de pleurer. On voudrait juste que cela n’ait jamais eu lieu. On voudrait juste que cela ne se reproduise plus. Et on se doit de se rappeler cette histoire. Mais le plus bouleversant quand on y réfléchit, c’est que Primo Levi ait finalement réussi à choisir le moment de sa mort. Il l’a choisi.
Si c’est un homme :"Vous qui vivez en toute quiétudeBien au chaud dans vos maisons,Vous qui trouvez le soir en rentrantLa table mise et des visages amis,Considérez si c’est un hommeQue celui qui peine dans la boue,Qui ne connaît pas de repos,Qui se bat pour un quignon de pain,Qui meurt pour un oui, pour un non.Considérez si c’est une femmeQue celle qui a perdu son nom et ses cheveuxEt jusqu’à la force de se souvenir,Les yeux vides et le sein froidComme une grenouille en hiver.N’oubliez pas que cela fût,Non, ne l’oubliez pas :Gravez ces mots dans votre coeur,Pensez-y chez vous, dans la rue,En vous couchant, en vous levant ;Répétez-le à vos enfants.Ou que votre maison s’écroule,Que la maladie vous accable,Que vos enfants se détournent de vous."
Extraits :
"Ce n’est que beaucoup plus tard que certains d’entre nous se sont peu à peu familiarisés avec la funèbre science des numéros d’Auschwitz, qui résument à eux seuls les étapes de la destruction de l’hébraisme en Europe. Pour les anciens, le numéro dit tout : la date d’arrivée au camp, le convoi dont on faisait partie, la nationalité." p.36
"Déjà, sont apparues sur mes pieds les plaies infectieuses qui ne guériront pas. Je pousse des wagons, je manie la pelle, je fonds sous la pluie et je tremble dans le vent. Déjà mon corps n’est plus mon corps. J’ai le ventre enflé, les membres désséchés, le visage bouffi le matin et creusé le soir ; chez certains, la peau est devenue jaune, chez d’autres, grise ; quand nous restons trois ou quatre jours sans nous voir, nous avons du mal à nous reconnaître." p.51
"Ainsi, se traînent nos nuits. Le rêve de Tantale et le rêve du récit s’insèrent dans une trame d’images plus indistinctes : les souffrances de la journée où entrent la faim, les coups, le froid, la fatigue, la peur et la promiscuité, se muent la nuit en cauchemars informes, d’une violence inouïe, comme on n’en peut faire dans la vie courante, que pendant une nuit de fièvre. Nous nous éveillons à tout moment, glacés de terreur, encore sous le coup d’un ordre, crié par une voix haineuse, et dans une langue que nous ne comprenons pas." p.93
- Auteur : Primo Levi
- Titre original : Se questo è un uomo
- Traducteur : Martine Schruoffeneger
- Édition : Pocket
- Date de parution : août 2008
- Nombre de pages : 314 p.
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