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L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau - Oliver Sacks

 L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau est un recueil de récits cliniques. Tous les singuliers caractères qui peuplent ce livre sont authentiques et si l'on a parfois l'impression de naviguer en terrain fantastique, les situations surréalistes décrites par Oliver Sacks sont pourtant bien réellesPour le neurologue anglais, " L'être profond du patient a beaucoup d'importance dans les sphères supérieures de la neurologie, autant qu'en psychologie ; car le patient y intervient essentiellement en tant que personne et l'étude de sa maladie ne peut être disjointe de celle de son identité " (p.10). A mi-chemin entre le théoricien et le dramaturge, Sacks considère ses patients comme des " voyageurs de contrées inimaginables - contrées dont, autrement, nous n'aurions pas la moindre idée." (p.11). Réconciliant ainsi le médecin et le naturaliste, le neuropathologiste plaide en faveur de l'émergence d'une science nouvelle fondée sur des études croisées entre psychologie et neurologie...


Publié pour la première fois en 1988, ce livre qui s'inscrit clairement dans une démarche de vulgarisation scientifique, permet au néophyte d'appréhender les difficultés auxquelles sont confrontés les neurologues. Les troubles décrits par Sacks sont incroyables. Ils affectent non seulement les fonctions motrices des patients mais également leur prodonde personnalité. Ce que révèlent ces études de cas, c'est que soigner des patients atteints de troubles neurologiques sans s'attacher à comprendre les corrélations entre corps et esprit relève d'une fastueuse entreprise. D'après Sacks, il est compliqué de soigner un malade " sans approfondir l'anamnèse jusqu'au récit ou au conte : car c'est seulement là que nous avons à la fois un "qui " et un " quoi ", une personne réelle, un patient confronté à la maladie - à la réalité physique." (p.10). Renouant avec la tradition du récit des maladies, technique ancienne héritée d'Hippocrate, le neurologue considère que la rencontre entre les études du psychique et du physique est nécessaire pour progresser dans le traitement des malades. Grande est la tentation de croire que les cas présentés relèvent exclusivement de l'anecdote voire de la fable. Les récits du médecin s'accompagnent pourtant d'analyses argumentées et les cas relatés ne manquent pas de soulever de nombreuses questions : est-ce possible de ne pas reconnaître son propre visage ? Se peut-il qu'on ne puisse vouloir se servir de ses mains qu'au bout de 60 ans de vie ? Que penser de cette femme qui n'a aucune conscience de ce qui se passe à sa gauche ? Que dire encore de la femme désincarnée ou de cette femme qui ne comprenait pas les mots ? Comment croire encore à l'histoire de cet homme qui sous l'effet de la drogue, se retrouve dans la peau d'un chien ? Que se disent encore ces frères jumeaux qui communiquent exclusivement par le biais de nombres premiers ? Toutes ces histoires hallucinantes sont autant de témoignages improbables qui défient toute imagination. C'est déroutant, effrayant, vertigineux mais tellement captivant ! 


Grâce à l'évocation de ces quelques mystères irrésolus, l'écrivain scientifique invite à un voyage des plus troublants dans les méandres insondables du cerveau : maladie de Parkinson, syndrôme de Korsakovmaladie de La Tourettemaladie d'Alzheimerautisme... tous ces troubles neurologiques dont nous avons plus au moins connaissance, prennent avec la lecture de ce livre une certaine consistance. Le médecin les a regroupés dans quatre chapitres : les déficits qui se caractérisent par une détérioration ou une incapacité de la fonction neurologique (aphonie/extinction de la voix, aphémie/altération de la parole, apahasie/trouble du langage, alexie/trouble lié à la lecture, apraxie/incapacité à coordonner correctement ses mouvements, agnosie/incapacité à reconnaître les objets, amnésie/perte partielle ou totale de la mémoire, ataxie/perte de coordination des muscles des bras ou des jambes). Les excès qui se traduisent par la surabondance fonctionnelle (hyperkynésie/hyperactivité, hyperboulie/tendance à l'exagération, hyperdynamie/hyperactivité musculaire, hypermnésie/exaltation de la mémoire, hypergnosie/exacerbation de la reconnaissance des objets...). Les transports (réminiscence, altération de la perception, imagination, rêve) qui ne sont pas souvent pris en compte du point de vue neurologique mais qui relèvent plus souvent de la psychanalyse (cf. Hildegarde de Bingen). Et enfin, le monde des simples d'esprits, "univers fascinant et paradoxal où tout tourne autour de l'ambiguité du "concret" p.222-226), qui interroge sur " cette qualité de pensée qui caractérise les simples d'esprit et leur confère leur poignante innocence, leur transparence, leur complétude, leur dignité " (p.224) mais qui n'est pas ou peu étudié par la science classique.

Aussi inquiétantes que soient ces histoires (elles relèvent pour beaucoup de l'incompréhensible), elles recèlent une richesse infinie de l'univers mental qui construit nos esprits. Ne serait-ce le vocabulaire parfois très technique, ce livre est tout à fait accessible et il incite certainement à fouiller le sujet. A découvrir !

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Table des matières


I - Pertes
  1. L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau
  2. Le marin perdu
  3. La femme désincarnée
  4. L'homme qui tombait de son lit
  5. Mains
  6. Fantômes
  7. Au niveau
  8. Tête à droite
  9. Le discours du président
II - Excès
  1. Ray, le tiqueur blagueur
  2. Maladie de cupidon
  3. Une question d'identité
  4. Oui, pèse cœur
  5. Les possédés
III - Transports
  1. Réminiscence
  2. Nostalgie incontinente
  3. Route des Indes
  4. Dans la peau du chien
  5. Meurtre
  6. Les visions de Hildegarde

IV - Le monde du simple d'esprit
  1. Rebecca
  2. Un dictionnaire musical ambulant
  3. Les jumeaux
  4. L'artiste autiste

 Détails bibliographiques

 

  • Titre : L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau et autres récits cliniques
  • Titre original : The Man Who Mistook His Wife for a Hat
  • Auteur : Oliver Sacks
  • Éditeur : Points
  • Collection : Essais
  • Traducteur : Édith De La Héronnière
  • Date de parution : Mars 1992
  • Nombre de pages : 312 p.
  • Couverture : René Magritte, Le Bouchon d'épouvante, 1966
  • ISBN : 978-2-02-014630-2
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2 commentaires :

  1. Critique enjouée de ce grand classique du Dr Sacks. Pour avoir lu pas mal de sa bibliographie (et être quelque peu versé dans les questions de neurologie), L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau est vraiment le recueil le mieux balancé, celui qui conjugue le mieux intérêt scientifique, humanisme et qualité des descriptions. Quant aux termes scientifiques, tu sembles y avoir pris goût, puisque tu en utilises plus d'un dans ton post ! (mais attention aux faux amis : Oliver Sacks n'est pas un neuropathologiste car il ne regarde pas de morceaux de tissus nerveux au microscope - ce qui est le cœur d'activité des neuropathologistes)

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  2. Merci pour ces retours constructifs. Je note la remarque au sujet du terme "neuropathologiste". La question m'intéresse d'ailleurs beaucoup et c'est en néophyte curieux que j'ai fait quelques recherches sur le net pour le vocabulaire. J'ai l'intention de lire prochainement "Un anthropogue sur Mars". Je vais également faire un tour du côté du Blog des Bouquins pour recueillir tes impressions.

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