Durant le mois d'avril 1994, près de 50 000 Tutsis ont été massacrés à la machette par leurs anciens amis, voisins, collègues Hutus dans la commune de Nyamata. De cet impensable génocide rwandais, Jean Hatzfeld a rapporté en 2000, ces Récits des marais rwandais peuplés d'épouvantables souvenirs. Ils s'appellent Cassius, Jeannette, Francine, Janvier, Jean-Baptiste, Angélique, Innocent, Marie-Louise, Christine, Odette, Édith, Berthe, Claudine, Sylvie. Pendant les événements, la peur au ventre, ils ont dû se cacher dans la boue et les papyrus des marais pour échapper à leurs assassins. Ils ont flirté avec la malaria, ils ont souffert de dysenterie et de soif, ils ont été infestés par les poux. Mais surtout, ayant côtoyé l'horreur et la mort de trop près, ils ont à la fois perdu un peu de leur âme et beaucoup d'êtres chers dans cette inimaginable boucherie... Lorsque le massacre a pris fin, abasourdis, ils se sont retrouvés abandonnés "Dans le nu de la vie". Mais comment se reconstruire après une telle épreuve? Comment continuer à avancer dans le souvenir de cette tragédie ? Comment continuer à porter l'espoir aux jeunes générations ? Comment encore honorer le lourd devoir de mémoire d'un tel drame ? A travers les poignants témoignages collectés par Jean Hatzfeld, on découvre avec tristesse et admiration, l'incroyable résilience dont les survivants ont su faire preuve. Si certains ne peuvent s'empêcher de retourner sur les lieux des massacres pour se rappeler au souvenir de leurs morts, d'autres ont préféré s'occuper des orphelins ou tout simplement prendre soin des vivants. Mais quels que soient les chemins qu'ils ont choisi pour surmonter cette épreuve, les témoins interrogés par le journaliste ont exprimé ce besoin de parler, de se rejouer les scènes de crimes pour réussir à faire leur deuil. Aussi, lire Dans le nu de la vie et se pencher sur ce sombre épisode de l'histoire rwandaise (lire aussi à ce sujet, Petit pays de Gaël Faye) est pour moi, une façon de se souvenir et de rendre hommage à ces femmes et ces hommes que la vie n'a pas épargné... Alors, si vous en avez l'occasion, je vous recommande vivement cette lecture certes difficile mais éclairante...
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Extraits
"Je crois que jamais les Blancs, ni même les Noirs des pays avoisinants, ne vont croire de fond en comble ce qui s'est passé chez nous. Ils accepteront des morceaux de vérité, ils négligeront le reste. Même nous, on s'étonne d'entendre les tueries comme elles sont racontées par des copains là où on était pas, parce que la vérité vraie sur les tueries des Tutsis, elle nous dépasse tous pareillement." (extrait du récit de Cassius, p.21)
"Je sais aussi, désormais qu'un homme peut devenir d'une méchanceté inouïe très soudainement. Je ne crois pas en la fin des génocides. Je ne crois pas que ceux qui disent qu'on a touché le pire de l'atrocité pour la dernière fois. Quand il y a eu un génocide, il peut y en avoir un autre, n'importe quand à l'avenir, n'importe où, au Rwanda ou ailleurs ; si la cause est toujours là et qu'on ne la connait pas." (extrait du récit de Jeannette, p.33)
"Ces gens bien lettrés étaient calmes, et ils ont retroussé leurs manches pour tenir fermement une machette.Alors pour celui qui, comme moi a enseigné les Humanités sa vie durant, ces criminels-là sont un terrible mystère." (extrait du récit de Jean-Baptiste, p.73)
"Je crois qu'il faut nous rendre une justice convenable, mais je ne veux pas dire s'il faut fusiller des prisonniers. Je ne veux pas non plus exprimer ma pensée sur pourquoi les Blancs ont regardé tous ces massacres les bras croisés. Je crois que les Blancs profitent de ce que les Noirs se chamaillent pour semer ensuite leurs propres idées, et voilà tout." (extrait du récit d'Angélique, p. 86)
"Une remarque qui me dépasse toujours, quand je parle de cette époque, est la sauvagerie des tueries. S'il y avait à tuer, il n'y avait qu'à tuer, mais pourquoi couper les bras et les jambes ? (...) Pour moi, je le répète, ils coupaient et mutilaient pour enlever de l'humain aux Tutsis et les tuer plus facilement ainsi." (extrait du récit d'Innocent, p. 111-112)
"Le rescapé a tendance à ne plus se croire réellement vivant, c'est à dire celui qu'il était auparavant, et d'une certaine façon, il vit un peu de ça." (extrait du récit d'Innocent, p. 113)
"J'espère que le temps nous offrira l'aide pour nettoyer les souillures. SI les Hutus essaient de dire la vérité à voix haute, de proposer une entraide, d'aller vers les Tutsis et de demander pardon, on pourra espérer cohabiter comme il faut sans être séparés pour toujours par ce qui s'est passé." (extrait du récit de Christine, p. 144)
"Mais moi, je suis prête à pardonner. Ce n'est pas pour nier le mal qu'ils ont fait, ce n'est ni par trahison envers les Tutsis ni par facilité ; mais c'est pour ne pas souffrir ma vie durant à me demander pourquoi ils ont voulu me couper." (extrait du récit d'Edith, p. 167)
"Quand je pense au génocide, dans un moment calme, je réfléchis pour savoir où le ranger dans l'existence, mais je en trouve nulle place. Je veux dire simplement que ce n'est plus de l'humain." (extrait du récit de Sylvie, p. 227)
Détails bibliographiques
- Titre : Dans le nu de la vie : récits des marais rwandais
- Auteur : Jean Hatzfeld
- Éditeur : Seuil
- Collection : Points
- Date de parution : Janvier 2005
- Nombre de pages : 233 p.
- ISBN : 978-2-020530569
- Photo de couverture : © Photo réalisée par Raymond Depardon, 1999
J'ai lu l'autre titre qu'a écrit Hatzfeld sur le génocide rwandais : Une saison de machettes, où il donne cette fois la parole aux bourreaux (http://bookin-ingannmic.blogspot.fr/2016/03/une-saison-de-machettes-jean-hatzfeld.html)... glaçant... j'ai bine l'intention de lire celui-là aussi, mais c'est le genre de lecture que l'on a tendance à remettre au lendemain, parce qu'on sait qu'elle sera éprouvante.
RépondreSupprimerComme je te comprends. Je viens de lire ta pertinente chronique et je ne manquerai pas de lire "Une saison de machette". Comme je te le disais, j'ai envie de le lire pas parce que c'est une lecture nécessaire ou par voyeurisme mais juste que la nature humaine m'intéresse sous tous ses aspects, qu'ils soient lumineux ou sombres... Cela me fait réfléchir et me permet aussi de grandir...
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