Ainsi que l'explique l’éditeur dans son introduction, Le combat contre le démon qu'évoque Stefan Zweig dans ce livre, concerne Kleist, Hölderlin et Nietzsche, dont
la force d’écriture est aussi puissante que passionnée. En effet, ces
auteurs allemands ont non seulement pour point commun leur patrie mais
plus encore : leur énergie créatrice animée par une force indomptable,
les contraint sans cesse à combattre leur démon : celui de l'écriture
comme un moyen de survie. Solitude et souffrance sont également ce qui
les réunit. Comme à son habitude, l’auteur nous brosse avec verve et
talent, ces trois portraits d’écrivains dont la démesure et la folie, a
marqué les destins. Ce qu’on retiendra, c’est que l’écriture est pour
chacun d’entre eux, un exercice vital qu’ils ont pratiqué passionnément tout
au long de leur vie dans la lutte et l'acharnement. Certes avec chacun
son propre style. Ainsi Heinrich Kleist représente t-il selon Zweig,
l’auteur tragique par excellence, Friedrich Hölderlin, l’éternel éphèbe
de la poésie allemande et Friedrich Nietzsche, le nomade de la pensée
assassin de Dieu.
Si
tout le monde connaît plus ou moins Nietzsche, il est plus rare que les
gens aient déjà entendu parler de Kleist ou Hölderlin. Pourtant, ces
derniers ont bien marqué la littérature allemande. Pas de leur vivant,
et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles Zweig leur a dédié ces
textes, mais de façon posthume. Personnalités sombres et complexes, les
auteurs ici étudiés par Zweig, intriguent. Personnellement, j’avais déjà
vaguement entendu parler d’eux sans avoir jamais rien lu. C’est
pourquoi, je me suis lancée dans cette lecture. Autant pour le style de
Zweig que j’affectionne particulièrement, que pour découvrir ces auteurs
allemands méconnus que sont Kleist et Hölderlin. Il me fallait donc
essayer de comprendre ce point commun (le démon) qui caractérise nos
trois « torturés ». A la lecture de ce livre, je constate que l’angle d’étude proposée par Zweig se justifie : « Pour
ces errants, à peu près ignorés de leur vivant, la pensée ou la
création ne sont pas cette sereine construction d’un idéal d’harmonie et
de raison dont Goethe donne l’exemple accompli ; elles ne peuvent
naître que dans le corps à corps avec un démon intérieur qui fait d’eux
les fils de Dionysos, déchiré par ses chiens ». Extrait de la 4e de
couverture. L’affection portée par Zweig au génie, à la folie et à la
création artistique des trois auteurs est le dénominateur commun de ces
textes. Et j'ai trouvé l’hommage brillant, si ce n’est l’écriture de
Zweig que pour une fois, j’ai trouvé « trop lyrique ». Il est
certes question de poésie et de tragédie mais pour moi, les
métaphores compliquées et les comparaisons à outrance m’ont lassée
(exceptée l’étude sur Nietzche). Et le livre a bien failli me tomber des
bras plus d’une fois. C’est bien dommage d’ailleurs, car le tryptique
constitué de l’auteur, des sujets et de la thématique, m’avait semblé
séduisant. Malheureusement, bien que cette lecture m’ait permis de
percevoir le sombre génie créateur des intéressés, je l’ai trouvée à
force de formules trop imbriquées, ennuyeuse... Ceci dit, pour découvrir
le portrait complet de Nietzsche par Stefan Zweig, n’hésitez pas à lire le livre du même nom.
SI vous souhaitez vous procurer le livre via Amazon, rendez-vous sur le lien suivant : Le Combat avec le démon
Heinrich Von Kleist
Friedrich Hölderlin
Friedrich Nietzsche
Je fais cas d’un philosophe dans la mesure où il est capable de fournir un exemple. Considérations inactuelles. Nietzsche
SI vous souhaitez vous procurer le livre via Amazon, rendez-vous sur le lien suivant : Le Combat avec le démon
Le chêne mort résiste à l’aquillon,
Qui pourtant terrasse le chêne vivant
Parce qu’il trouve une prise dans sa couronne
Penthésilée. Heinrich von Kleist
Kleist
fuit son démon dans les voyages. Peu importe sa destination, il court
le monde pour échapper à son trop plein passion. Avec lui, c’est tout ou
rien : entre exaltation et refoulement, sa dualité a fini par le
conduire au suicide. « Il y avait chez Kleist infiniment plus de ces
forces et ces humeurs que la faible enveloppe d’un corps terrestre n’en
peut contenir, ce fût là sa fatalité. Aussi devait-il éclater comme une
chaudière surchauffée : son démon n’était pas l’absence de mesure, mais
la démesure. » p.41
Kleist est le grand poète tragique de l’Allemagne, non par sa volonté mais uniquement parce qu’il a subi sa nature tragique (...) L’essence de son être était tension et exaltation, la signification impérieuse de son destin était la destruction de lui-même par l’excès : aussi sa mort volontairement précoce est autant son chef d’oeuvre que le Prince de Homborg : car il faut toujours qu’à côté des puissants qui dominent la vie, comme Goethe, il surgisse de temps en temps un homme qui dompte la mort et fasse d’elle un poème pour les siècles futurs. p.88
Friedrich Hölderlin
... Les humains ont de la peine à reconnaître les purs. La mort d’Empédocle. Hölderlin
Hölderlin,
éternel adolescent, part à la quête d’un monde céleste pour se prémunir
de la cruelle réalité. Sa quête de pureté l'abandonnant à son orgueil
inavoué, il s’enferme dans sa bulle, qui lui laisse libre cours à ses
tourments. Conscient de son talent, il préfère s’effacer pour ne pas
s’abîmer au vulgaire monde matériel. Pourtant, il sait que cette
décision sera fatale à sa poésie. Peu importe, il se sacrifie pour la
pureté de son art même si pour cela, il doit passer pour un faible. Il
finira sa vie oublié de tous sous les traits de Scardanelli et Zweig de
dire : « Chez lui l’homme meurt avant le poète et la raison avant la
mélodie ; et la mort et la vie, l’une et l’autre, élaborent pour lui,
sous forme de destin, plastiquement, ce qu’un jour son désir prophétique
a proclamé comme étant le la véritable din du vrai poète : être
consummé par les flammes, payer la rançon de la flamme que nous n’avons
su dompter. » p.232
Même le démon, la puissance ténébreuse qui fait sentir sur lui son emprise périlleuse et mortelle, emprunte à sa pureté un éclat séraphique : comme un feu sans fumée, comme un élan sans effort, les paroles extatiques coulent pieusement de ses lèvres. p. 236
Friedrich Nietzsche
Je fais cas d’un philosophe dans la mesure où il est capable de fournir un exemple. Considérations inactuelles. Nietzsche
Nietzsche
est le philosophe de la liberté et de la vérité. Combattant ses démons
par un travail sans relâche, Nietzsche « accouche » de sa pensée dans la
souffrance et la solitude. Si ce qui le tue pas le rend plus fort, ce
philosophe martyre assassin de Dieu, nous prouve par son combat contre
le démon que l’homme et son art ne font qu’un. Il finira sa vie seul
comme en témoigne cette citation : « Des étrangers trouvent par
terre, dans la rue, l’homme le plus étranger de l’époque. Des étrangers
de la Via Carlo-Alberto à Turin. Personne n’est témoin de sa mort
intellectuelle. Autour de sa fin règnent l’obscurité et le saint
isolement. Solitaire et inconnu, le plus lucide génie de l’esprit se
précipite dans sa propre nuit. » p.252
Toujours la liberté est le sens final de Nietzsche - le sens de la vie et celui de sa chute : de même l’esprit a besoin de temps en temps d’un homme démoniaque, dont la puissance supérieure se dresse contre la communauté de la pensée et la monotonie de la morale. Il a besoin d’un homme qui détruise et que se détruise lui-même. p.338
- Auteur : Stefan Zweig
- Titre : Combat avec le démon. Kleist - Hölderlin - Nietzsche
- Titre original : Der Kampf mit dem Dämon
- Traducteurs : Alzir Hella et Olivier Bournac
- Editeur : Le livre de poche
- Collection : Biblio essais
- Date de parution : Octobre 2010
- Nombre de pages : 338 p.
- Couverture : Luca Signorelli. Les damnés (détail), Cathédrale d’Orvietto
- ISBN : 978-2-253-13061-1
Enregistrer un commentaire