Le savant fou est un thème récurrent de la littérature : de Mary Shelley à Lovecraft, en passant par Stevenson ou Théophile Gautier, le savant fou est souvent représenté comme l'archétype du savant dans les oeuvres de littérature populaire. Arnould Galopin, auteur prolifique du début du 20e siècle malheureusement méconnu de nos jours, nous propose avec Le bacille, une variante fascinante. Martial Procas est un éminent bactériologue promis à la gloire et à la postérité. Sa vie heureuse tourne court lorsqu'il découvre que sa femme le trompe. Victime d'une crise de cyanose provoquée par le choc de la nouvelle, Procas devient malgré lui l'ennemi public en raison de sa soudaine transformation : "Oui... Il était laid, atrocement laid, d'une laideur qui dépassait tout ce que l'on peut imaginer, non point que sa figure fût ravagée oar quelque lupus, labourée par un chancre répugnant ou couturée de plaies immondes... Elle n'avait subi aucune déformation, nul accident n'en avait bouleversé les lignes, mais ce qui la rendait ignoble, c'était sa couleur... Elle était bleue, entièrement bleue, non point d'un bleu apoplectique tirant sur le violet lie de vin, mais de ce bleu cru, violent, presque éclatant, qui tient le milieu entre le bleu de Prusse et l'outremer." (p.27). Excepté la couleur de sa peau qui avait subitement viré au bleu et le jaune de ses yeux, Procas n'en restait pas moins un homme sensible et doux mais la cruauté de ses voisins le pousse dans ses ultimes retranchements : exaspéré par les brimades continuelles dont il est devenu l'objet, le scientifique met ses recherches au service d'une terrible vengeance...
Pour reprendre les termes de l'éditeur, Le bacille est une "fable mordante, satire corrosive sur la sottise grégaire." En digne représentant de la littérature populaire, Arnould Galopin sait jouer avec les sentiments de ses lecteurs. La psychologie des personnages est savamment travaillée. Martial Pocras est aussi attachant que le fils du boucher est bêtement méchant. Au travers de cette histoire très accessible au grand public, Arnould Galopin met cyniquement l'accent sur nos comportements moutonniers et il questionne sur la notion de la psychologie des foules étudiée au début du siècle dernier par Gustave Le Bon. Ce récit m'a bien sûr évoqué celui du Village des cannibales d'Alain Corbin (voir également Mangez-le si vous voulez de Teulé). Il m'a aussi rappelé le cas du tristement célèbre John Merrick (ou Elephant Man) étudié par le Docteur Frederic Treves ou encore le méchant destin de la Vénus d'Hottentote. Les exemples ne manquent pas pour illustrer la sottise grégaire dénoncée par l'auteur. Pour ces raisons, Le Bacille s'inscrit avec subtilité dans une démarche à la fois distrayante et instructive. Grâce à ce titre, les éditions de L'Arbre vengeur exhument encore une fois, un texte de qualité à faire circuler entre toutes les mains.
Petite précision toutefois : si je suis d'accord avec l'analyse de Thierry Gillyboeuf au sujet de la sottise grégaire dénoncée par Arnould Galopin, je n'y vois pas personnellement la préfiguration de la guerre bactériologique qu'il annonce. La vengeance de Pocras prend en effet cette forme mais les "guerres bactériologiques" sont apparues bien avant l'émergence de la recherche en bactériologie. Avant même les travaux de Louis Pasteur (1822-1895), les armes biologiques étaient déjà utilisées dans différentes cultures.
Autre chose : contrairement à ce que dit Thierry Gillyboeuf, Pocras n'est pas condamné à la difformité et à la différence suite à une malheureuse expérience. Le savant est victime d'une crise de cyanose provoquée par une crise liée à la déception de la trahison de sa femme. Même si ce détail peut sembler peu important, ça change tout le sens du texte : "- Ces cas de cyanose, mon ami, sont excessivement rares et les jeunes praticiens sont excusables de ne pas les connaître. En général, il s'agit d'affectations congénitales et alors les individus qui en sont atteints en meurent en bas âge (...). Tous ces troubles : coloration bleue, dyspnée, apathie, refroidissement, que nous observons maintenant chez lui (Pocras) s'expliquent par le fait qu'il aura dorénavant trop de sang veineux et pas assez de sang artériel, trop d'acide carbonique et pas assez d'oxygène. Ce sera un éternel asphyxié." (p.41).
Enfin, pour ceux qui voudraient découvrir quelques titres d'Arnould Galopin à moindre frais, rendez-vous sur le site de la Bibliothèque électronique du Québec (collection A tous les vents).
Pour vous procure le livre via Amazon, rendez-vous sur le lien suivant : Le bacille
Dédicace de l'auteur :
Pour reprendre les termes de l'éditeur, Le bacille est une "fable mordante, satire corrosive sur la sottise grégaire." En digne représentant de la littérature populaire, Arnould Galopin sait jouer avec les sentiments de ses lecteurs. La psychologie des personnages est savamment travaillée. Martial Pocras est aussi attachant que le fils du boucher est bêtement méchant. Au travers de cette histoire très accessible au grand public, Arnould Galopin met cyniquement l'accent sur nos comportements moutonniers et il questionne sur la notion de la psychologie des foules étudiée au début du siècle dernier par Gustave Le Bon. Ce récit m'a bien sûr évoqué celui du Village des cannibales d'Alain Corbin (voir également Mangez-le si vous voulez de Teulé). Il m'a aussi rappelé le cas du tristement célèbre John Merrick (ou Elephant Man) étudié par le Docteur Frederic Treves ou encore le méchant destin de la Vénus d'Hottentote. Les exemples ne manquent pas pour illustrer la sottise grégaire dénoncée par l'auteur. Pour ces raisons, Le Bacille s'inscrit avec subtilité dans une démarche à la fois distrayante et instructive. Grâce à ce titre, les éditions de L'Arbre vengeur exhument encore une fois, un texte de qualité à faire circuler entre toutes les mains.
Petite précision toutefois : si je suis d'accord avec l'analyse de Thierry Gillyboeuf au sujet de la sottise grégaire dénoncée par Arnould Galopin, je n'y vois pas personnellement la préfiguration de la guerre bactériologique qu'il annonce. La vengeance de Pocras prend en effet cette forme mais les "guerres bactériologiques" sont apparues bien avant l'émergence de la recherche en bactériologie. Avant même les travaux de Louis Pasteur (1822-1895), les armes biologiques étaient déjà utilisées dans différentes cultures.
Autre chose : contrairement à ce que dit Thierry Gillyboeuf, Pocras n'est pas condamné à la difformité et à la différence suite à une malheureuse expérience. Le savant est victime d'une crise de cyanose provoquée par une crise liée à la déception de la trahison de sa femme. Même si ce détail peut sembler peu important, ça change tout le sens du texte : "- Ces cas de cyanose, mon ami, sont excessivement rares et les jeunes praticiens sont excusables de ne pas les connaître. En général, il s'agit d'affectations congénitales et alors les individus qui en sont atteints en meurent en bas âge (...). Tous ces troubles : coloration bleue, dyspnée, apathie, refroidissement, que nous observons maintenant chez lui (Pocras) s'expliquent par le fait qu'il aura dorénavant trop de sang veineux et pas assez de sang artériel, trop d'acide carbonique et pas assez d'oxygène. Ce sera un éternel asphyxié." (p.41).
Enfin, pour ceux qui voudraient découvrir quelques titres d'Arnould Galopin à moindre frais, rendez-vous sur le site de la Bibliothèque électronique du Québec (collection A tous les vents).
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Dédicace de l'auteur :
A la mémoire de mon père le Docteur Augustin Galopin, professeur de physiologie, élève de Claude Bernard.
Épigraphe :
Il allait chancelant, comme un enfant, lugubre, Comme un fou... Devant lui la foule au loin s'ouvrait. Léon Dierx
- Titre : La bacille
- Auteur : Arnould Galopin
- Éditions : L'arbre vengeur
- Préface : Thierry Gillyboeuf
- Illustrations : Hugues Micol
- Date de parution : Mai 2011
- Nombre de pages : 217 p.
- EAN 13 : 9-782916-1417-32
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