ge copyright Obscura - Régis Descott - ède Les embuscades littéraires d'Alcapone banni
Bienvenue sur la bibliothèque virtuelle d'Alcapone

Obscura - Régis Descott

Jean Corbel est un jeune médecin de quartier sans le sou dont Sybille, la jolie femme, rêve de devenir comédienne. Dans ce Paris de la fin du 19ème siècle où les miséreux meurent encore de phtisie et de syphilis, notre héros se retrouve malgré lui, mêlé à des histoires de meurtres dont les mises en scène plus que macabres, évoquent certains célèbres tableaux d'Edouard Manet. De l’Olympia au fameux Déjeuner sur l'herbe, la reconstitution de ces peintures composée en partie de cadavres, est le signe d'un esprit dérangé : maniaque, frustré, obsessionnel ou encore schizophrène, le roman nous propose une incursion intéressante dans l'univers des aliénistes. Les victimes qui servent à la mise en scène des tableaux sont des femmes qui ressemblent toutes étrangement à Victorine Meurent, le modèle de Manet pour l’Olympia : Obscura la prostituée, Pauline Maupin, la soeur de Ange le petit saute-ruisseau et enfin Sybille, la femme de Jean. Introduit à l’asile psychiatrique du docteur Esprit Blanche par son ami et rival Gérard, Jean va mener une enquête qui nous permettra de découvrir au fil de l’histoire, les méfaits de l’aliénation mentale sur les esprits faibles.


Déjeuner sur l'herbe d'Édouard Manet
Tous les ingrédients d’un bon polar sont ici réunis et l’on ressent bien l’intérêt de Régis Descott pour les thèmes dont il s’inspire : passionné par la peinture et la photographie, l’auteur nous propose ici une intrigue construite "autour des rapports troubles qui se nouent entre création artistique et la folie" (introduction de l’éditeur). Bien que les thèmes abordés m’intéressent également, j’ai parfois trouvé les liens entre les différentes scènes maladroitement ficelés : le récit comporte quelques digressions, certes intéressantes (descriptions trop précises sur les maladies et leurs symptômes), qui n’apportent pas nécessairement de force au récit et nuisent à l’accroche du lecteur. En outre, les événements sont attendus et certains personnages caricaturaux. Mais le roman propose de bonnes idées et faute de lire un scénario original, on a ici l’occasion de (re)découvrir l’oeuvre de Manet et autres peintres cités comme Delacroix ou encore Paul Monet. 


Olympia - Edouard Manet

Par ailleurs, j’ai particulièrement apprécié l’univers des aliénistes dépeint par Régis Descott. L’approche proposée par l’auteur donne envie d’en apprendre plus sur les expériences réalisées à l’époque sur l’étude de la folie. Je pense notamment aux références faites à Jean-Martin Charcot (hôpital de la Salpêtrière), l’un des précurseurs de la psychopathologie et aux auteurs célèbres qui ont séjourné en asile psychiatrique comme Gérard de Nerval, Guy de Maupassant ou encore Honoré de Balzac. J’ai bien aussi aimé l’anecdote selon laquelle le Dr Blanche aurait conservé un moulage de la main de Jean-Baptiste Troppman, assassin avéré de 8 personnes, que le docteur aurait défendu en prétextant son irresponsabilité en raison de sa déficience mentale.

Le déjeuner sur l’herbe - Claude Monet
En conclusion, je dirais que j’ai été plus intéressée par les thèmes abordés que par l’histoire. Mais Régis Descott a réussi à susciter ma curiosité et j’ai bien envie de renouveler l’expérience avec son Pavillon 38.


Dédicace : A Eric et Françoise


Extraits : "Le drap noir formait au dessus de sa tête une tente qui retenait son souffle captif. Sous ce voile de nuit il pouvait entendre sa régularité rassurante et en sentir la chaleur réconfortante. Pénétrer dans cet abri de fortune, c’était reproduire ce qui se rapprochait le plus des conditions et des sensations de la vie in utero, lorsqu’il ne connaissait de l’existence que le ventre de sa mère. Paradis perdu où il n’avait expérimenté ni les contraintes, ni les vexations que réserve ce bas monde. Eden où l’esprit pouvait divaguer à loisir et échafauder toutes les constructions mentales imaginables. Eden envolé où l’absence de matière et de matériaux signifiait l’absence de limites." p. 271

Titre : Obscura

Auteur : Régis Descott
Édition : Editions Jean-Claude Lattès
Collection : Le livre de poche - policier
Date de parution : Avril 2010
Nombre de pages : 473 p.
Couverture : Edouard Manet, Le déjjeuner sur l’herbe (détail), 1862-1863. Musée d’Orsay, Paris
Photo : Josse / Leemage
Partager cet article :

Enregistrer un commentaire