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Dans le jardin de la bête - Erik Larson

La bête évoquée dans le titre fait référence à Hitler. S'appuyant pour partie sur le journal intime et les notes personnelles de William Dodd (ambassadeur américain à Berlin entre les années 1933 et 1937) et les échanges épistolaires de Martha Dodd (sa fille), Erik Larson retranscrit l'atmosphère pesante qui régnait à Berlin à l'époque. C'est presque par hasard que William Dodd, humble professeur d'histoire de province, est nommé à l'ambassade américaine par Roosevelt. Alors que les tensions politiques sont au plus haut entre les états européens, la réticence des gouvernements britannique et français à s'imposer face au dictateur allemand contraint les États-Unis à s'impliquer dans le conflit. Roosevelt alors préoccupé par les enjeux du New Deal et soucieux de récupérer les crédits de la dette allemande, confie à Dodd la lourde mission de préserver la paix entre les états en évitant tout parti pris. Tout d'abord enthousiasmés par le prestige de l'Allemagne nouvelle, William Dodd et sa fille déchantent au fur et à mesure que la répression des communautés juives progresse. William Dodd qui n'a décidemment pas les épaules pour endosser de telles responsabilités, emploiera toutes ses forces à instaurer un climat de confiance  mais son honnêteté et intégrité n'auront pas l'effet voulu : taxé d'incompétence, Dodd est considéré par ses pairs comme un bouseux incompétent. Pendant ce temps, Hitler prépare son ascension et dévoile son vrai visage. Malgré les alertes lancées par Dodd dès son entrée au corps diplomatique, la situation s'enlise. Martha qui, en insatiable séductrice fréquente les hauts gradés de tous bords, finit par se rendre à l'évidence : l'Allemagne nazie n'est pas celle que l'on laisse entendre. Faisant preuve d'intégrité et de témérité, Dodd s'élève seul contre la majorité pour tirer la sonnette d'alarme : dissuadant par exemple les ambassades française et britannique de participer aux défilés nazis organisés à la gloire de Hitler, il se heurte à la passivité de son propre gouvernement. Déclarant lors de son discours d'adieu à Berlin que les leçons de la Grande Guerre n'ont servi à rien, William Dodd persiste à convaincre les alliés du bien-fondé de ses sentiments. Ses déclarations visionnaires mais fâcheuses ("L'humanité se trouve en grand danger, mais on dirait que les gouvernements démocrates ne savent pas comment agir. S'ils ne font rien, la civilisation occidentale, les libertés religieuses, privées et économiques seront en grand danger." Extrait du discours donné par Dodd lors d'un dîner organisé en son honneur à son retour aux États-Unis en janvier 1938. p. 512) seront réduites au silence par l'Allemagne... Nous connaissons la suite de l'Histoire...

Comment Hitler parvient-il à réarmer l'Allemagne sans quasi-résistance des alliés ? Pourquoi cette inertie de la part de la France et la Grande-Bretagne ? Pourquoi cet isolationnisme entêté de Washington ? Voilà quelques pistes de réflexions suggérées par ce livre. Si les ouvrages sur le sujet abondent, on notera le caractère inédit de l'ouvrage qui traite le sujet du point de vue des diplomates et autres hauts dignitaires. On retiendra notamment la 4e partie de l'ouvrage (Un squelette qui grelottait de froid) qui revient avec force détails truculents sur la doctrine de la pureté raciale avec le projet du nouveau code pénal allemand, le procès fantoche des nazis suite à l'incendie du Reichstag ou la "pseudo" pébliscitation de la population allemande pour le retrait de l'Allemagne des Nations Unis... mais on se souviendra surtout des épisodes relatifs à l'élimination des hauts dignitaires SA (Nuit des longs couteaux du 29 au 30 juin 1934) qui dévoilent les coulisses du régime nazi et qui révèlent les macabres desseins politiques du Führer...

Le travail d'Érik Larson compile une masse impressionnante d'informations puisées dans des sources variées : notes personnelles des protagonistes, extraits de rapports, journal intime de l'ambassadeur, correspondances, extraits d'entretiens..., ce livre qui se lit comme un roman (et non "comme un thriller palpitant" ainsi que c'est annoncé en 4e de couverture), s'appuie sur un appareil critique solide et une riche bibliographie (une centaine de pages en fin d'ouvrage) qui a nécéssité à l'auteur 3 années de recherches et de travail. Alliant savamment récit romanesque (lecture facile) et reconstitution historique (sources vérifiées et documentation minutieuse), Dans le jardin de la bête mérite le succès dont il a fait l'objet ne serait-ce pour sa forte valeur documentaire. Les faits exposés bénéficient par ailleurs du double témoignage des Dodd (père et fille) qui apportent des éclairages nouveaux sur les versions officielles des événements : le premier exposant des enjeux diplomatiques insoupçonnés, le second complétant le premier par une approche sentimentale complexe (relations de Martha avec les hauts dignitaires politiques de toutes nationalités et de tous bords). On pardonnera donc à ce livre son style parfois inégal pour privilégier la qualité du travail de reconstitution historique. A lire donc pour parfaire vos connaissances et/ou découvrir le sujet autrement...

Pour la peine, je me lancerai bien dans la lecture du roman "Le diable dans la ville blanche" qui a fait la notoriété d'Érik Larson. L'avez-vous lu ? Qu'en avez-vous pensé ?

Si vous êtes tentés par ce livre, pourquoi ne pas vous le procurer ? Il est disponible sur Amazon via le lien suivant : Dans le jardin de la bête.

  • Titre : Dans le jardin de la bête
  • Titre original : In the garden of beats
  • Éditeur : Le livre de poche
  • Traducteur : Édith Ochs
  • Date de parution : Septembre 2013
  • Date de parution originale : 2012 aux éditions du Cherche Midi
  • Nombre de pages : 627 p.
  • ISBN : 978-2-253-16485-2
  • Couverture : Rémi Pépin 2012
  • Photo : © Ullstein Bild /akg-images

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4 commentaires :

  1. On y apprend que le peuple allemand dénonçait tout autant que le peuple français quand la loi le lui permettait.Et Zweig de parler du marché noir qui sévissait en Allemagne et en Autriche après la 1er guerre mondiale dans son livre " Le monde d'hier".Tout compte fait, l'attitude des Français sous l'occupation était une attitude peu glorieuse mais universelle.

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    1. Je partage tout à fait cet avis au sujet de la dénonciation : c'est très humain si je puis dire... Je me lancerais volontiers dans la lecture du livre 'Le monde d'hier' de Zweig. Merci !

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  2. http://www.arte.tv/guide/fr/041788-000/1937-un-ete-en-allemagne-nazie : un complément parfait du livre

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    1. Bonjour et merci pour l'info. Je ne manquerai pas de visionner ce documentaire quitte à en faire un retour... Et bievenue sur mon blog !

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