A quoi donc renvoie le titre de ce roman de Rohinton Mistry ? L'équilibre du monde (A fine balance pour le titre original) tel que nous le présente l'auteur, fait référence à la culture hindoue où le système immémorial des castes prime depuis la nuit des temps. En Inde où le destin de chaque personne est lié à son karma (कर्म), l'on nait brahmane ou intouchable et il faut l'accepter...
L'histoire
se passe entre les années 1970 et 1980. Alors que l'Inde est la proie
de tensions entre mouvement centraliste et mouvement séparatiste, l'état d'urgence est proclamé par Indira Gandhi
alors premier ministre (1971-1977). Les libertés publiques sont
suspendues car la situation économique est désastreuse. Corruption et
injustice règnent. De nouvelles vocations se créent : facilitateur,
contrôleur des bidonvilles (jodhpadpattis : झोपड़पट्टी),
incitateur... Derrière ces noms de métiers se cachent des missions
aussi affreuses les unes que les autres. Les gens subissent de force des
vasectomies (nussbandhi : शुक्रवाहिकोच्छेदन) dans les planning familiaux destinés à contrôler les naissances ou
arrêtés et tabassés de façon arbitraire. Des programmes
d'embellissement de la ville imposent la destruction intempestive des
taudis. Dans le dédale de la grande ville indienne (Bombay ou Mumbai) où
les bidonvilles sont légion, la protection du Maître des mendiants est
considérée comme une véritable bénédiction...
C'est dans ce climat politique et économique difficile qu'évoluent les protagonistes de l'histoire. Issus de classes sociales différentes, Ishvar, Om, Maneck et Dina (pour les principaux personnages) n'auraient jamais dû se rencontrer et pourtant : leurs destins irrémédiablement liés, les mènera à une cohabitation des plus improbables. Pour l'oncle et son neveu (Ishvar et Om sont originellement intouchables) qui viennent travailler comme couturiers chez Dina Dalal (parsi), le séjour en ville est censé être temporaire. De même pour Maneck (parsi) qui vient étudier en ville et qui loge chez Dina pendant son année d'études. Dénominateur commun entre les couturiers et l'étudiant, Dina est elle-même une femme meurtrie par son histoire. Le patchwork qu'elle confectionne à partir de petits bouts de tissus tout au long du récit raconte leurs destins croisés. Comme si l'auteur voulait montrer que L'équilibre du monde ne tenait qu'à des bouts de tissus disparates rassemblés selon des codes incompréhensibles...
Fidèle à ma relative connaissance de l'Inde contemporaine, ce récit qui montre un envers du décor des plus réalistes, m'a bouleversée, émue, révoltée : l'hindhouisme, cette tradition ancienne fondée sur des concepts philosophiques, imprègne l'écriture de Rohinton Mistry. L'on découvre tout au long du roman des détails surprenants de la vie quotidienne des indiens et l'on ose y croire : c'est pourtant une réalité que l'auteur s'est donné pour mission de retranscrire dans L'équilibre du monde. Plus qu'un roman, ce livre est un poignant témoignage de l'histoire de l'Inde. Et l'on suppose une fin tragique mais l'on ne se résoud pas à renfermer le livre avant de l'avoir terminé. Si c'est un gros pavé de 890 p., pour ceux qui s'intéressent à cette partie du monde, je ne peux que le recommander. Il est passionnant.
Enfin, je recommanderai également sur le même sujet, ce fascinant roman de Tahir Shah : L'apprenti sorcier. Je l'ai trouvé excellent.
C'est dans ce climat politique et économique difficile qu'évoluent les protagonistes de l'histoire. Issus de classes sociales différentes, Ishvar, Om, Maneck et Dina (pour les principaux personnages) n'auraient jamais dû se rencontrer et pourtant : leurs destins irrémédiablement liés, les mènera à une cohabitation des plus improbables. Pour l'oncle et son neveu (Ishvar et Om sont originellement intouchables) qui viennent travailler comme couturiers chez Dina Dalal (parsi), le séjour en ville est censé être temporaire. De même pour Maneck (parsi) qui vient étudier en ville et qui loge chez Dina pendant son année d'études. Dénominateur commun entre les couturiers et l'étudiant, Dina est elle-même une femme meurtrie par son histoire. Le patchwork qu'elle confectionne à partir de petits bouts de tissus tout au long du récit raconte leurs destins croisés. Comme si l'auteur voulait montrer que L'équilibre du monde ne tenait qu'à des bouts de tissus disparates rassemblés selon des codes incompréhensibles...
- Que peut-on faire dans de telles circonstances ? Accepter, et passer à autre chose. Je vous en prie. Rappeler-vous toujours de ça : le secret de la survie est l'acceptation du changement, et l'adaptation. En d'autres termes : "Tout s'effondre et se reconstruit, joyeux est celui qui reconstruit." (...) "On ne peut tracer des lignes, délimiter des compartiments et refuser de les franchir. Il faut parfois utiliser ses échecs comme marchepieds vers le succès. Maintenir un bon équilibre entre l'espoir et le désespoir." Il s'arrêta et considéra ce qu'il venait de dire. "Oui, répéta t-il. Au bout du compte, tout est une question d'équilibre. p.337
- Dieu est mort. C'est ce qu'a écrit un philosophe allemand." Elle sursauta. "Vous pouvez faire confiance aux Allemands pour dire des choses pareilles. Vous y croyez ? - Avant, oui. Maintenant, je préfère croire que Dieu est un géant qui fabriquait un patchwork. avec une infinité de motifs. Et ce patchwork a tellement grandi qu'on ne peut plus discerner le modèle ; les carrés, les triangles, les rectangles ne s'emboîtent plus les uns dans les autres, tout ça n'a plus de sens. Alors, Il a abandonné. p. 492
Fidèle à ma relative connaissance de l'Inde contemporaine, ce récit qui montre un envers du décor des plus réalistes, m'a bouleversée, émue, révoltée : l'hindhouisme, cette tradition ancienne fondée sur des concepts philosophiques, imprègne l'écriture de Rohinton Mistry. L'on découvre tout au long du roman des détails surprenants de la vie quotidienne des indiens et l'on ose y croire : c'est pourtant une réalité que l'auteur s'est donné pour mission de retranscrire dans L'équilibre du monde. Plus qu'un roman, ce livre est un poignant témoignage de l'histoire de l'Inde. Et l'on suppose une fin tragique mais l'on ne se résoud pas à renfermer le livre avant de l'avoir terminé. Si c'est un gros pavé de 890 p., pour ceux qui s'intéressent à cette partie du monde, je ne peux que le recommander. Il est passionnant.
Tu sais, Maneck, le visage humain est une surface limitée. Si tu remplis ta figure de rire, disait tout le temps ma mère, il n'y aura plus de place pour les larmes. (...) Ca ne se voit peut-être pas, mais c'est enfoui là à l'intérieur. "Il mit sa main sur le coeur. Là, il ya un espace illimité - bonheur, gentillesse, chagrin, colère, amitié - tout a sa place, là. p.636
Enfin, je recommanderai également sur le même sujet, ce fascinant roman de Tahir Shah : L'apprenti sorcier. Je l'ai trouvé excellent.
Vous qui tenez ce livre d'une main blanche, vous qui vous enfoncez dans un moelleux fauteuil en vous disant : Peut-être ceci va-t-il m'amuser. Après avoir lu les secrètes infortunes du Père Goriot, vous dînerez avec appétit en mettant votre insensibilité sur le compte de l'auteur, en le taxant d'exagération, en l'accusant de poésie. Ah ! Sachez-le : ce drame n'est ni une fiction, ni un roman. All is true. Texte d'introduction au roman - Honoré de Balzac - Le père GoriotPour vous procurer ce titre, rendez-vous sur Amazon via le lien suivant : L'Equilibre du monde.
Dédicace de l'auteur : "Pour Freny"
Auteur : Rohinton Mistry
Titre : L'équilibre du monde
Titre original : A fine balance
Traducteur : Françoise Adelstain
Edition : Livre de poche
Année de parution : 1998 (chez Albin Michel)
Nombre de pages : 890 p.
Couverture : Illustration de David Gentleman tirée de l'Inde (détail). Hodder et Stroughton, 1994. D.R.
ISBN : 978-2253150862
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