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Un diable au paradis - Henry Miller

"Un diable au paradis, Miller ? Des années durant, cela ne fit aucun doute. Il fut le diable du paradis américain, l'écrivain par qui le scandale arrivait, le pourfendeur de toutes les hypocrisies, l'individualiste irrécupérable, l'ennemi juré du puritanisme, celui qui dénonça, en une expression et un livre de 1945 demeurés fameux depuis Le cauchemar climatisé de son pays natal (...). Mais il ne faut pas s'y tromper. Quand Miller écrit Un diable au paradis en 1956 (...), il ne songe pas du tout à se vouer aux enfers (...). Un diable au paradis est un petit livre (...). Mais s'il nous touche, c'est parce que Miller y raconte d'abord Miller. Parce qu'il y témoigne de cette étonnante liberté de ton et d'humeur. Parce que tour à tour, il médite, il imagine, il s'indigne, il digresse, il rêve, il s'emporte (...) Et parce que Miller n'est jamais aussi grave que quand il est léger. Ni aussi philosophe que quand il se veut simplement chroniqueur." A la lecture de ces quelques lignes extraites de la préface de Nicole Chardaire, on se demande bien qui est le fameux diable en question. En tous cas, il ne s'agit aucunement d'Henry Miller. Non, le diable est ici campé par Conrad Tericand, un astrologue dépressif et désargenté à qui Henry Miller et sa femme Anaïs Nin, offrent l'hospitalité...

Avec Un diable au paradis, nous sommes loin du génie de l'immense trilogie des Sexus, Plexus, Nexus. Il s'agit d'un titre discret qui dévoile un Henry Miller compatissant et d'une patience à toute épreuve. Conrad Tericand, l'odieux astrologue, n'est pas sans rappeler l'agaçant Ignatus Reilly de la Conjuration des Imbéciles de John Kennedy Toole. Avec ses manières d'enfant gâté, son air toujours pitoyable et surtout son affreuse gale, Tericand est un ami "difficile à aider". On ne comprend d'ailleurs pas bien l'indulgence dont Miller fait preuve à l'égard de son "alter-égo capricorne". Comme bien de ses amis, on aurait juste envie de dire à Miller d'envoyer balader ce diable qui ne se plait finalement pas au paradis qu'il lui sert sur un plateau (Big sur). Avec ses exigences en talc de marque, en cigarettes françaises et en pilules de codéine, Tericand est un personnage détestable... Pourtant, en loyal ami, Miller forcera même son indulgence jusqu'au point de non retour : celui où il n'est même plus capable d'éprouver quelque pitié sensée pour l'astrologue galeux... Le livre commence dans une platitude désespérante. Il a d'ailleurs bien failli me tomber des mains et si je n'avais pas insisté sur la lecture, je serais probablement passé à côté du livre. Il faut en effet attendre le milieu du livre pour que Miller exprime enfin toute la philosophie et je dirais presque l'abnégation dont il est capable. Alors seulement à ce moment-là, on retrouve un peu du Miller des Tropiques...

A y regarder de plus près, c'est vraiment lorsqu'il s'abandonne à sa colère et à son indignation contre Tericand que Miller donne le meilleur de son art : "L'homme potentiel ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'un homme actualise - ou réalise - de son potentiel. Et qu'est-ce que l'homme potentiel, en fin de compte ? N'est-ce pas la somme de tout ce qui est humain ? Divin, en d'autres termes ? Vous me croyez à la recherche de Dieu ? Non. Dieu est. Le Monde est. L'Homme est. Nous sommes. Ma réalité est pleine, c'est Dieu... et l'Homme et le Monde, et tout ce qui y est, y compris l'innommable. Je suis pour la réalité. Pour une réalité de plus en plus grande. Je suis un fanatique de la réalité, si vous vous voulez." (p.82). S'insurgeant contre l'astrologie dont Tericand se proclame, Miller déclare encore : "Le savoir alourdit, la sagesse attriste. L'amour et la vérité n'a rien à voir avec le savoir ou la sagesse : il est au delà de leur domaine. Quelque certitude que l'on possède, elle est au delà du royaume de la preuve." (p.87). Cela dit, Un diable au paradis est loin d'être un livre inoubliable. Ce qui m'a surtout interpellé, c'est la gale dont Miller se rend compte qu'il est atteint : "J'en étais là de mes réflexions lorsqu'une idée étrange me vint à l'esprit... c'est que j'étais moi aussi atteint de la gale. Mais d'une espèce de gale impossible à gratter, d'une gale qui ne se manifestait pas physiquement. Pourtant elle était bien là. Là où toute gale prend son origine et son aboutissement. L'ennui c'est que personne n'aurait pu me prendre en flagrant délit de grattage. Et cependant je ne faisais que cela jour et nuit. Fiévreusement, frénétiquement, sans répit." (p.141). Car en y réfléchisant bien, nous portons tous quelque part notre propre gale...

Pour finir, la lecture d'Un diable au paradis me parait adapté pour les inconditionnels de Miller. Pour ceux qui ne connaissent pas son oeuvre, découvrir plutôt la sulfureuse trilogie de la Crucifixion en rose : Sexus, Plexus, Nexus. Et bien sûr, pour ceux qui souhaitent aller plus loin, n'hésitez pas à consulter cet article de Nicolas Giorgi sur le site De nécessité vertu.

Pour vous procurer le livre via Amazon, rendez-vous sur le lien suivant : Un diable au paradis.

Citations
Ce qui va mal ce n'est pas le monde, c'est notre manière de le regarder. p.135


  • Titre : Un diable au paradis
  • Titre original : A devil in paradise
  • Auteur : Henry Miller
  • Traducteur :Alex Grall
  • Préface : Nicole Chardaire
  • Éditions : Livre de poche
  • Collection : Biblio
  • Préface : Nicole Chardaire
  • Date de parution : Octobre 1990
  • Nombre de pages : 192 p.
  • Couverture : Dessin de Louis constantin
  • ISBN : 9782253 030874


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2 commentaires :

  1. Il ne me semble pas qu'Anaïs Nin ait jamais été la femme d'Henry Miller...

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    1. En effet, ils ont eu une liaison passionnelle mais rien qui les identifient comme mari et femme. Merci pour ce retour : je corrige de ce pas cette erreur...

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