ge copyright Les cahiers ukrainiens - Igort - ède Les embuscades littéraires d'Alcapone banni
Bienvenue sur la bibliothèque virtuelle d'Alcapone

Les cahiers ukrainiens - Igort

Bien que la responsabilité des autorités soviétiques dans la terrible famine qui frappa l'Ukraine dans les années 1932-1933 soit aujourd'hui publiquement reconnue, les avis des historiens divergent encore sur la reconnaissance de l'Holodomor (en ukrainien : голодомо́р, littéralement « extermination par la faim ») comme génocide. Quelque soit l'issue du débat, il ne fait pas de doute que l'Holodomor soit un crime contre l'humanité. Résultat d'une "exploration sur le terrain pour comprendre ce qu'a été et comment a été vécu le rêve communiste de la Révolution à nos jours" (extrait tiré de la notice du livre sur Futuropolis), Les Cahiers Ukrainiens exposent quelques Mémoires du temps de l'URSS. C'est lors de ses divers séjours en Ukraine, Russie et Sibérie, qu'Igort, attaché à l'étude de la mémoire et du mythe, entreprend l'illustration de son dyptique dédié à ces quelques voix oubliées d'Ukraine (tome 1) et de Tchétchénie (tome 2). Ainsi qu'il le confie encore à l'éditeur : "Ce qui m'a intéressé, c'est que les histoires venaient à ma rencontre. Il me suffisait d'être à l'écoute. J'ai commencé à rencontrer des gens et à enregistrer ou filmer leurs témoignages, l'histoire de leur vie. Puis, étant donné que certains faits étaient couverts par le secret ou peu connus, je me suis mis à les étudier. Mais ce sont bien les témoignages recueillis que je dessine." Les histoires rapportées par Igort parlent d'elles-mêmes : entre quelques planches thématiques traitant des "Koulaks", de la "Litanie bolchévique assassine" (pratique répandue du cannibalisme pendant la famine) ou du rôle de l'OGPU, les destins tragiques de Serafima Andreïevna, Nikolaï Vassilievitch, Maria Ivanovna et Nikolaï Ivanovitch ébranlent sérieusement la légitimité et le bien-fondé de la politique soviétique de l'époque et accusent les horribles souffrances et traumatismes encore subis aujourd'hui par les tristes "héros" d'Igort...

Lorsque l'on évoque la question des génocides, on pense souvent à la Shoah ou au génocide arménien. Peu de gens se souviennent de l'Holodomor. Parce qu'un génocide n'est pas plus condamnable qu'un autre, le rappel à cet obscur et terrifiant épisode de l'histoire de l'Ukraine mérite d'être racontée mais surtout d'être entendue. Est-il admissible qu'un peuple fier et indépendant comme l'Ukraine soit ainsi fustigé pour avoir résisté à la collectivisation et refusé la "dékoulakisation" ? La réponse est évidente. Encore faut-il être au courant. Les Cahiers ukrainiens ont reçu le Prix 2011 de la Mémoire du Holodomor. Ce prix est décerné par le Comité représentatif de la Communauté ukrainienne de France et on est ravi pour cette reconnaissance du travail d'Igort. On sera par contre étonné d'apprendre que la famine et donc l'Holodomor n'est pas encore reconnue par la France comme étant un crime contre l'humanité. Quant à la reconnaissance de l'Holodomor comme génocide, on s'étonnera encore une fois de l'absence de la France parmi les 24 pays ayant pris parti en sa faveur. Ignorance ou méconnaissance, qu'en penser ?

Igort n'a pas la prétention de réécrire l'histoire mais son angle de vue est intéressant : "Je suis un auteur curieux, j'aime explorer et j'ai trouvé naturel de m'attaquer à une narration qui part d'une vision documentaire. Pour moi, il était important de trouver une écriture personnelle qui se mesure à la réalité du terrain que j'avais découvert, et de pouvoir mettre au jour ce travail." Son récit est d'ailleurs quelquefois elliptique et manque en conséquence de liant mais sa démarche reste cohérente, son sujet captivant et son travail de graphisme superbe. Pour en venir aux questions esthétiques, Igort ne se cantonne pas à un style ou une technique. Il jongle sur plusieurs registres en alternant les planches en noir et blanc et les planches dans les tons sépias. Ses traits sont tantôt nets, tantôt brouillons. Parfois même, les pages sont "tachées" et cela confère à l'ouvrage une certaine touche qu'on peut ou pas apprécier mais c'est certain, cette bande-dessinée en ravira plus d'un. Personnellement, il s'agit pour moi d'une très belle réussite. A très bientôt donc pour le compte-rendu du tome 2 : Les Cahiers russes.

Si vous souhaitez vous procurez ce livre, notez qu'il est disponible sur Amazon à l'adresse suivante : Les Cahiers Ukrainiens: Mémoires du temps de l'URSS.

Extrait

L'Ukraine d'aujourd'hui cherche l'appui international pour que l'Holodomor soit reconnu au palais de verre de l'ONU comme génocide. La Russie, membre permanent, a droit de veto. Elle menace de l'exercer.
Nous sommes le 26 septembre 2008, l'Ukraine retire sa motion.
Reconnaissant la famine comme crime contre l'humanité : Argentine, Azerbaïdjan, Belgique, Canada, Estonie, Géorgie, Italie, Lettonie, Lituanie, Moldavie, Pologne, États-Unis, Hongrie, Vatican.


  • Titre : Les cahiers ukrainiens
  • Sous-titre : Mémoires du temps de l'URSS
  • Auteur : Igort
  • Traducteur : Laurent Lombard
  • Éditions : Futuropolis
  • Date de parution : Novembre 2011
  • Nombre de pages : 175 p.
  • ISBN : 978-2-7548-0266-6

Partager cet article :

2 commentaires :

  1. Un très bel ouvrage oui. Saisissant lorsqu'on l'ouvre la première fois. La spontanéité avec laquelle il retranscrit les différents témoignages est surprenante. J'imaginais que la parole du "commun des mortels" était beaucoup plus étouffée dans ce pays. J'ai eu d'autres occasions de constater que ce n'est pas le cas du moins, pas autant qu'on nous le laisse entendre.
    J'essaye ponctuellement de faire découvrir ce titre autour de moi mais ce n'est pas évident. Le sujet, la veine graphique... dommage, cet ouvrage mérite davantage de visibilité

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avoue que c'est un sujet difficile mais il interroge et encourage à la prise de recul. Le traitement graphique d'Igort est superbe et mérite en effet davantage de visibilité mais je crois que l'ouvrage attire bien plus de lectorat qu'on ne pourrait le croire au premier abord. Et à fouiner un peu sur le net, on se rend compte que le livre sensibilise pas mal de lecteurs...

      Supprimer